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Quand il eut terminé, le petit Antonio prit sa place sur la petite piste. Il se mit à jouer un air de valse
viennoise avec sa clarinette. Le caniche s'approcha de lui et l'accompagna par des aboiements bien
rythmés. Quel talent il avait ce chien! Lui aussi, il m' adopta dans l'heure qui suivit mon arrivée
dans cette belle troupe de saltimbanques.
Lisa ajusta sa guitare et enchaîna en fredonnant une très belle mélodie Sicilienne. Lisa avait passé
toute son enfance avec sa mère dans cette belle région du Sud de l'Italie. Comme elle chantait bien
la petite Lisa, et jouait bien de la guitare aussi. Le père et son fils, se joignirent à elle et se mirent à
chanter ensemble et à jouer de leur instrument. Alfredo chantait comme un
ténor. Les gens vinrent de partout pour écouter ces trois merveilleux artistes. Discrètement, deux
carabiniers se frayèrent un chemin dans le public et vinrent se placer tout près des artistes.
Dès que la représentation fut terminée, je pris l'initiative de faire la quête en compagnie du caniche
blanc. Ensemble nous avons collecté beaucoup de lires.
Quand nous eûmes terminés la
représentation, les carabiniers vinrent près de moi pour me demander mes papiers. Les policiers
voulaient savoir ce que je faisais avec ces saltimbanques. Ils recherchaient un parisien qui avait
vécu à Menton, chez un réfugié russe. J'ai dis aux policiers que je ne connaissais pas de russe, que
j'étais en vacance dans la région.
Quand les carabiniers furent partis, Alfredo et ses enfants vinrent vers moi, ils m'embrassèrent pour
me remercier, parce que la quête avait très bonne. Lisa dit à son père : "Roberto a quelque chose de
mystérieux en lui. J'ai remarqué que les autres garçons de son âge ne lui ressemblaient pas". --
Montres moi tes mains, me demanda Lisa. Elle désirait rapidement connaître ce mystère qui
semblait perturber ma vie. Elle étudia attentivement les lignes de ma main. Quand elle eut
terminée son beau visage devint triste.
Elle me dit qu'un mal profond et mystérieux perturbait ma vie. Son père lui répondit d'un air agacé :
"Tu es folle, ma pauvre fille, de lui dire de telles sottises!." C'était presque le vide dans ma pauvre
tête, elle me parlait de mystère, d'un mal profond qui perturbait ma personne. Cette révélation
m'angoissa et m' ôta pour un moment cette joie de vivre qui s'était emparée de moi en faisant la
connaissance d'Alfredo et de ses enfants. Je venais de découvrir une nouvelle famille.
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Comment cette jeune fille pouvait-elle lire dans mon passé? Avait-elle un don ? Son père jugea
stupide cette conversation, et il entraîna la petite troupe en direction d'une espèce de roulotte. On
me fit visiter une maison roulante qui était propre et accueillante. C'était un car qui avait été
aménagé en quatre pièces. Il y avait une petite cuisine, un salon salle à manger et deux chambres.
Une nouvelle famille m'accueillait sans rien connaître de mon passé. Pour ces trois êtres qui
s'aimaient très fort et respiraient la joie de vivre, j'étais un jeune homme sain de corps et d'esprit qui
recherchait tout simplement l'aventure et la liberté.
Ces saltimbanques donnaient plusieurs représentations dans la journée, ils changeaient de ville
chaque jour. Avant de quitter San Remo, Lisa me demanda si je voulais bien l'accompagner, parce
qu'elle devait se charger du ravitaillement alimentaire. Antonio, le petit frère insista pour faire parti
du voyage. Comme il était mignon ce petit garçon, il souriait
pour un rien, et tout semblait l'amuser.
Lisa sa soeur, elle lui servait aussi de mère, car leur pauvre maman les avait quittés quelques années
auparavant. Elle fut emportée par une terrible maladie. Une fois, j'ai demandé à Antonio de me
parler de sa maman. L'enfant ne me répondit pas, il se mit à pleurer et s'en alla se jeter
immédiatement dans les bras de sa soeur. Son père ne voulait pas qu'on lui parle de sa maman
disparue, car cela le traumatisait et le mettait dans un état de tristesse épouvantable.
Cet homme adorait sa femme, et pour lui elle vivait toujours. Alfredo était convaincu qu'après la
mort les humains pénétraient aussitôt dans une autre vie. Nous sommes partis tous les trois faire des
courses, et cela nous prit beaucoup de temps. Nous nous sommes promenés dans les rues de la ville.
Je me suis sentis comme retombé en enfance, je courais après Antonio qui faisait le clown et des
grimaces aux passants. Ce genre d'amusement ne plaisait pas à sa soeur, elle se fâchait en
brandissant sa main près de son visage, et promettait de le gifler. Plus elle menaçait l'enfant
turbulent, plus je l'encourageais, parce que cela m'amusait comme un fou.
Nous entrions dans des grands magasins pour y essayer des vêtements qui n'étaient pas faits pour
nous. Lisa essayait des chapeaux de grands-mères, ou des robes trop longues pour elle. Partout où
nous passions, nous provoquions un immense désordre. Les commerçants agacés nous jetaient
dehors en menaçant de nous dénoncer aux carabiniers si on ne cessaient pas notre jeux stupides.
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Lisa et Antonio se mirent à chanter dans les rues, car il pensait que cela pouvait leur rapporter de
l'argent pour financer le ravitaillement en nourriture. Il avait trouvé une bonne idée, faire le pitre et
chanter dans les rues, comme cela tous les jours, ils pourraient payer leurs repas avec ces
représentations supplémentaires. Je rêvais à ma nouvelle vie, je faisais des projets sans me soucier
de mon passé. Nous nous sommes aperçus qu'il était tard, nous sommes rentrés à la roulotte où
Alfredo nous attendait avec impatience. Nous sommes arrivés en chantant comme de joyeux lurons.
J'ai dis à Alfredo : "On ne va pas passer la nuit ici, quittons cet endroit pour un autre plus
confortable et plus intéressant". Je connaissais cette famille depuis si peu de temps et déjà je
donnais des ordres comme si j'étais le chef. Alfredo accepta ma proposition.
-- Il me dit : " Je connais un bon emplacement à la sortie de la ville, allons-y". Il savait que des
tziganes s'y arrêtaient pour se reposer après avoir parcouru des centaines de kilomètres. "Tu vas
voir, je vais te présenter à des amis. On se rencontre souvent dans nos voyages", me dit-il, d'un air
décidé et joyeux. Il fréquentait tous les gens qui aimaient comme lui, la liberté et le travail qui ne
les enchaînaient nulle part.
Je lui dis : "Tu n'as pas peur de fréquenter ces gens-là?". Je ne savais même pas à quoi ils
ressemblaient ces gens, je me comportais comme si j' avais toujours vécu dans leur univers.
J'essayais de m'imaginer un passé, lentement et inconsciemment je commençais à recoller les
morceaux du disque de ma mémoire. La drogue et l'alcool, ces deux poisons abusivement
consommés à Paris, cela avait dispersé aux quatre vents mon passé. Alfredo, mon nouvel ami,
avait fait quelques années de prison, pour vol à main armée.
Il s'était laissé entraîner par de vieilles relations. Une vilaine et malsaine rencontre qui eut lieu
pendant la guerre. Ses amis et lui, firent du marché noir et trafiquèrent dans la ville de Rome,
occupée par les Allemands. Il n'avait vraiment peur de personne le Sicilien, il connaissait si bien la
vie et savait se battre pour que ses deux enfants ne manquent jamais de rien. Quand il sortit de
prison, ses amis l'obligèrent à réintégrer l'équipe afin de recommencer ensemble d'autres vols et
cambriolages. Ils refusa énergiquement de poursuivre cette vie malhonnête qui l'avait conduit en
prison et avait rendu sa femme malade.
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Pour se débarrasser de ses deux acolytes qui ne désiraient pas se séparer de lui, il simula des crises
de folies. Il retrouva enfin sa liberté, et il ne voulut plus jamais la perdre. C'était un homme très
honnête de par sa nature, il était sain de corps et d'esprit. Alfredo était un bon et merveilleux père
pour ses deux beaux enfants, ils comblaient sa vie de bonheur. Il roula jusqu'à ce qu'il rencontre des
tziganes ou des gitans. Après avoir parcouru plus de dix kilomètres, il aperçut trois roulottes qui
étaient installées sur le bord de la mer, dans un endroit qui semblait être magnifique.
Il y avait dans ce groupement, trois familles où s'agitaient une multitude de gamins et gamines, de
trois à seize ans. Alfredo les connaissait pour les avoir déjà rencontrés à la sortie de Milan, six mois
auparavant. Ce fut une grande et joyeuse retrouvailles, ils s'embrassèrent tous très affectueusement.
Les hommes se congratulèrent et se donnèrent de grandes tapes
dans le dos. Je mis fin à leur interminable bavardage et chahut, en criant très fort : "Il faudrait peut être
penser à manger avant que la nuit nous surprenne".
J'ai demandé à tous les gamins de m'aider à faire un grand feu sur la plage. La marmaille fébrile m'
obéit tout de suite et s'enfuit dans tous les sens. Quelque instant après ils revinrent tous les bras
chargés de bois mort. Les courants marins rejetaient des épaves de toutes sortes sur les petites dunes
qui se dressaient face au rivage. Cet immense feu qui jaillit soudain du sol, cela me rappela un
souvenir et des images du passé.
Très souvent le soir, ils faisaient de grands feux de bois, puis des rondes où ils dansaient et
chantaient durant des heures. Des images de bonheur me revinrent en cet instant, mais je fus bien
incapable de savoir où cela fut vécu réellement. Durant ce temps où je me suis occupé de ce grand
feu sur la plage avec les enfants, les femmes se chargèrent de réunir et de faire cuire la nourriture.
Ce soir là, elle fut très abondante, et ce qui ne fut pas englouti dans nos estomacs voraces, les chiens
et les chats s'en chargèrent à notre place. Quand nous eûmes tous le ventre plein, les hommes
allèrent chercher leurs guitares et se mirent aussitôt à démarrer un gigantesque concert qui allait
durer une bonne partie de la nuit.
Leur belle et magnifique musique m' envahit les oreilles pendant des heures. j'aurais tellement aimé
savoir jouer d'un instrument et me mêler à ce groupe de gens du voyage. Les femmes étaient vêtues
de robes très longues et multicolores, elles dansèrent et frappèrent dans leurs mains. Jusqu'à une
heure du matin, ils dansèrent et chantèrent, leurs visages dégoulinaient de sueur et de fatigue.
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A un moment de la nuit le calme revint, la plage retrouva le silence. Je sentis à cet instant que le
sommeil m'engloutissait lentement. Nous sommes tous partis nous coucher et n'oubliant pas de nous
embrasser et de nous souhaiter une bonne et douce nuit. Pour les tziganes et les gitans, la soirée à
laquelle je venais de participer, cela était chose courante.
La première nuit passée dans le car d'Alfredo, se passa bien. Le lendemain matin, nous nous
sommes réveillés tous en même temps, quand le soleil ardent vint chauffer très fort le toit de la
roulotte. Alfredo sortit de sa chambre le premier, il est venu me serrer la main, il m'a dit qu'il avait
dû se lever deux fois pour venir m'essuyer le visage et me remettre sur le lit de camp, car je n'y était
plus.
J'avais crié plusieurs fois et réclamait une certaine Tonia. Cela l'inquiéta, mais il répondit que ce
devait-être un grand rêve ou bien un cauchemar. Dans cette nuit-là, mon cerveau avait dû livrer un
rude combat, il tenta désespérément de me restituer tous mes souvenirs qui s'en étaient échappés.
Alfredo vit chez moi un changement brutal et inexplicable, il prit peur et s'inquiéta pour sa fille. Ce
brave homme avait deviné que Lisa m'aimait et brûlait d'amour pour cet inconnu, cet étranger qui
pénétrait dans leur vie. Mais cette nuit-là avait dû lui briser tout espoir de réaliser son rêve, car le
matin je n'étais plus le même jeune homme.
Mon visage s'était comme figé et mon air décontracté et souriant, de tout cela il n'en restait plus
rien. Lisa et Antonio s'approchèrent de moi pour lui dire bonjour, ils me trouvèrent terriblement
changé et d'une tristesse effroyable. Je me suis levé pour les laisser prendre leur petit déjeuner, je
suis sortis du car pour aller prendre l'air sur la plage. En
arrivant au bord de la mer, j'ai ressentis comme une immense tristesse qui vint m' envahir tout le
corps. A cet instant, j'eus envie de me jeter dans l'océan. Lisa me rejoignit, elle souffrait de me voir
dans cet état de détresse.
Elle pensait que dans ma vie il y avait une femme, elle s'empressa de me harceler de questions. Je
n'avais plus de passé, il était enfoui dans les profondeurs du néant. Mon présent et mon avenir,
c'était elle et sa famille. Je pouvais me rendre à l'adresse qui était indiquée sur mon passeport, à
Paris, dans le quinzième arrondissement. Là-bas, je rencontrerais peut-être des gens que j'avais
connu. A l'idée de partir retrouver mon passé, cela me terrorisait, car je ne savais pas ce qui se
cachait derrière cette brume épaisse qui emprisonnait mes souvenirs.
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Lisa m' avait fait peur en lisant dans mes mains. Je préférais attendre que ce brouillard s'en aille
définitivement, les images de mon passé pourraient y reprendre leurs places et ma vie reprendrait
son cours normal. Cette pauvre Lisa s'agrippa à moi, elle voulut savoir qui était cette Tonia. Elle
m'avait entendue dans la nuit crier son nom plusieurs fois. Je la pris dans mes bras et la serra très fort
pour lui faire comprendre que je l'aimais et que j'avais besoin d'elle pour me sortir de cette horrible
situation qui empoissonnait ma vie.
Dans l'instant présent, je n'avais presque plus de mémoire et des morceaux de ma vie passée
flottaient dans mon esprit. Il m'était impossible de lui raconter mon passé, je lui ai demandé de
m'aider à traverser cette période difficile. Mon rude destin me brisait de nouveau et faisait souffrir
tous les gens que je rencontrais et qui tentaient de m' offrir un peu de bonheur. Lisa réussit à me
calmer et à apaiser ma souffrance. Elle sut trouver les mots réconfortant pour m'aider à poursuivre
ma route.
Elle m'emmena presque de force vers le car. Une heure passa et mon état de santé redevint presque
normal. Alfredo et ses enfants me promirent de m'aider à surmonter cette rude épreuve.
Je suis resté trois mois avec les membres de ma nouvelle famille. Chaque jour, on changeait
d'endroit et on donnait plusieurs représentations. La recette était toujours très excellente. Nous
avons parcourus plusieurs centaines de kilomètres à travers l'Italie, nous sommes allés en Sicile,
pour rendre visite à la famille d'Alfredo. Comme j'aurais aimé rester plus longtemps avec eux, mais
mon destin me poussait toujours ailleurs et je ne pouvais le combattre.
Lisa s'attacha très vite à moi, elle devint de plus en plus jalouse de cette femme qui hantait mes
nuits de sommeil. Presque chaque nuit, je prononçais sans cesse le nom de Tonia, et cela la rendait
folle de rage. Je ne pouvais lui fournir aucune explication sur ce mystère. Tous les matins, je me
retrouvais dans mon duvet, mon corps était entièrement trempé de sueur. Des images de personnes
que j' avais connue défilaient dans ma tête, elles me parlaient, je faisais d'immenses efforts pour me
souvenir. Mes efforts étaient inutiles, car il ne se produisait rien de concret. Dans la journée avec
Lisa, nous partions nous promener dans des endroits tranquilles où personne ne pouvait nous
déranger. Pour vivre notre amour loin des regards indiscrets, nous restions des heures allongés sur le
sable fin.
Pour récupérer et faire disparaître la fatigue de mes nuits de cauchemars et de souffrance, Lisa me
chantait des berceuses Siciliennes. Alfredo s'enfonçait rarement à l'intérieur des terres, il n'aimait
que la mer. J'aimais la mer, elle m'attirait et me faisait penser qu'un jour je retrouverais toutes les
images de mon passé. Lisa me faisait chaque jour les lignes de la main en cachette de son père. Elle
fermait les yeux, se concentrait intensément, et des images défilaient dans son esprit.
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Quand la mémoire me revint, je compris que Lisa avait réellement un don pour la voyance, parce
qu'elle avait pu voyager dans mon passé. La dernière semaine que j'ai passé avec ma nouvelle
famille fut une période horriblement pénible pour moi. Le visage de Tonia m'apparaissait en plein
jour, je fermais les yeux, et instantanément des images défilaient dans ma tête. Je rêvais, je parlais
en marchant sur le bord de la mer, je voyais une femme sur un bateau, elle était vêtue d'une longue
robe blanche.
C'était la même image qui traversait mon cerveau dans mes nuits de cauchemars. Lisa me tirait le
bras, me griffait jusqu'au sang, elle ne voulait pas me voir parler et rêver en plein jour. Je partais à la
dérive, elle hurlait, ses cris se mêlaient à ceux de Tonia qui m'appelait. Lisa tomba gravement
malade. Alfredo se mit en colère et m' ordonna de partir. Sa fille souffrait et devenait
folle. Je perdais la raison, je l'entraînais dans ma folie cette pauvre Lisa qui se mourait d'amour pour
moi. Ce brave homme qui m'avait accueilli et m'aimait comme un fils, il avait déjà perdu sa femme,
il sentais que sa fille se mourrait de chagrin.
Impuissant, je ne pouvais intervenir pour la sauver de ce naufrage qui l'engloutissait un peu plus
chaque jour. J'ai quitté cette merveilleuse famille, un soir où la lune brillait dans un ciel sans
nuages. J'ai marché au bord de la mer où je hurlais à la mort comme un jeune loup blessé en plein
coeur. J'ai marché durant quatre jours et quatre nuits sur le sable, me nourrissant de pain et d'eau
sucré. Dans la journée, je souffrais de violents maux de tête, la nuit, je criais, levant les bras vers le
ciel et suppliant le créateur de me rendre mon passé, de libérer mon cerveau de ce brouillard qui
refusait de partir et qui empoissonnait ma vie.
Dans la journée, je traversais les plages en arborant un visage décomposé et cadavérique qui faisait
peur aux enfants. La police m'arrêta pour me conduire à l'hôpital.
On dit de moi dans le service où j'ai échoué : "Encore un de ces drogués errants, une loque humaine".
Mes bras laissaient paraître quelques traces, jaunes et noires, de piqûres qu'on m'avait faites à
l'hôpital de Paris pour m'ôter le poison de la drogue que les étudiants m'avaient fait absorber. Le
docteur de l'hôpital crut que j'étais un drogué. Il ordonna de me faire mettre dehors.
Ne sachant plus où aller, je me suis dirigé vers le sud. Une force inconnue m'obligea à revenir vers
le nord. Il me fallut plusieurs jours pour atteindre la frontière à Menton. Quand je suis arrivé dans
cette ville, je me suis effondré sur la plage du port, j'ai dormis plus de vingt quatre heures. J'ai repris
la route et j'ai marché sans but précis. Après quelques kilomètres de marche, j'ai décidé de faire de
l'auto stop. Un routier s'arrêta. -- Je vais à Marseille, dit l'homme. Si cette ville t'intéresse, je peux te
déposer au vieux port".
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J'ai accepté son offre et je suis monté dans la cabine, je me suis endormi. Le chauffeur me réveilla
un peu avant d'arriver dans cette grande ville de Marseille, où j' allais y vivre pendant plusieurs
semaines, comme une épave, un mort vivant. Au soir de cette journée, n'ayant plus aucun repaire, je
me sentis perdu et complètement abandonné. J'avais touché le fond de l'abîme et du néant. Pour
passer la nuit à l'abri, j'ai demandé à un agent de police s'il pouvait m'indiquer un endroit
convenable.
Le policier me conseilla d'aller dormir dans un asile de nuit qui n'était qu'à quelques centaines de
mètres seulement. Je me suis retrouvé dans un endroit sordide, entouré de clochards de tous âges.
Le gardien de l'établissement, me dit d'un ton agressif : "Quel âge as-tu, toi, jeune clochard ?"
"Peut-être vingt ans, chef ", lui ai-je répondit-il, mollement.
-- Il m'a dit : "Alors manges ta soupe et files te coucher en silence". j'étais retombé en enfer, mes
crises de folie m'avaient abandonné, et mes violents maux de tête qui me faisaient hurler la
nuit.
Au petit matin, on m'invita à quitté l'asile. J'étais sale et pas rasé, je n'avais plus un sous en poche.
Cette journée, je l'ai passé à déambuler dans les rues de la ville. Quand vint la nuit, je me suis
retrouvé au vieux port. Ne désirant pas retourner à l'asile de nuit, je me suis allongé sur un banc de
ciment, je me suis endormis en quelques minutes. Dans cette nuit-là, des images d'une villa et d'un
domaine empli de jeunes gens, vinrent légèrement troubler mon sommeil à plusieurs reprises. Des
images et des morceaux de mon passé commencèrent enfin à resurgirent dans mon cerveau meurtri,
et la brume épaisse commença à se dissiper très lentement.
Quand je me suis réveillé, il devait être dix heures du matin. Des marins pêcheurs criaient pour
vendre leurs poissons qu'ils avaient péchés dans la nuit, ils étaient là depuis plus de deux heures.
Plongé très profondément dans mes rêves, je ne les avais pas entendus arriver. En me réveillant,
j'eus la surprise de voir quelques pièces sur le bout du banc. Des gens avaient eu pitié de moi. Cet
argent allait me servir à acheter un peu de nourriture. Cette nuit paisible me redonna un peu
d'espoir, je venais de retrouvé une minuscule petite parcelle de mon passé.
Pour sortir rapidement de cet enfer, j' allais devoir torturer mon corps, il finirait bien par évacuer ce
maudit brouillard qui emprisonnait mes souvenirs. Ma troisième nuit, je l'ai passé en partie dans une
carcasse de voiture abandonnée, pas très loin des docks. Cette nuit-là, elle fut très riche en rêves, je
me suis promené longuement sur une route étroite et
sinueuse avec Fripon, le chien de garde de Tonia : c'était la route de Sospel, où nous allions souvent
nous promener ensemble.
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Après de longues heures de promenade, nous sommes rentrés fatigués. Le chien disparut
complètement dans un épais nuage de brouillard. Le bruit d'un klaxon me réveilla et me sortit
subitement de son rêve. Je ne pus me rendormir et retourner dans cette merveilleuse nuit. Je suis
allé marcher dans la ville pour me dégourdir les jambes, je devais trouver de l'argent pour financer
mon maigre et unique repas de la journée : qui était composé, d'un morceau de pain, d'une tomate et
de deux morceaux de sucre. Je pensais que mon corps ne méritait pas plus de nourriture, et pour en
obtenir d'avantage, il n'avait qu'à me restituer mon passé. Pour trouver quelques francs pour financer
ce maigre repas, je n'eus aucun
mal, je suis entré dans un commerce où il y avait une femme de plus de cinquante ans, elle me
donna dix francs.
Je n'allais pas n'importe où pour mendier un morceau de pain et un peu d'argent. Dans les petites
boutiques d'alimentations tenues par des femmes d'âges mûrs, j' étais certain d'obtenir une pièce de
dix francs et un peu de nourriture. Plusieurs commerçantes me proposèrent de m'aider à sortir de ma
misérable condition, mais je ne pouvais accepter leur aide. Je leur expliquait que cette terrible
maladie qui me rongeait le cerveau, personne ne pouvait m'aider à la vaincre. Je devais la vaincre
seul.
Les jours et les nuits passèrent, la brume qui encombrait ma pauvre tête commença lentement à se
dissiper pour me rendre quelques morceaux de mon passé perdu. Une autre nuit, j'ai retrouvé Tonia
qui courait dans un grand parc : c'était le jour de ma sortie de l'hôpital de Nice. Dans un autre rêve,
je faillis sortir pour de bon de cette brume épaisse qui tardait à
disparaître. J'ai rêvé que j'étais dans une voiture avec ma maman Toinette et Tonia, ensemble nous
revenions d'un orphelinat, j'ai aperçus un panneau qui indiquait le nom d'une ville où j'avais vécu
des jours heureux. Malheureusement pour moi, la police me réveilla et m'obligea à monter dans le
fourgon qui ramassait les épaves humaines.
Au centre de désinfection où j'ai échoué, je dus me laver et me raser. On me força à avaler un peu
de nourriture. J'étais dans un état lamentable, j'avais dû perdre plus de vingt kilos. Mes pauvres
jambes étaient sans forces et semblaient lasses de porter ce corps mal nourri. Je pus me regarder
dans une glace, je découvris un visage de vieillard. Mon pauvre visage était creux et paraissait être
sans vie. Un policier m'a dit de refaire surface, sinon j'allais mourir. Il me força à me rendre à
l'hôpital.
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J'ai supplié le policier, je lui ai promis de m'alimenter de nouveau. Je lui ai montré l'argent que me
donnaient des commerçantes. Il m'a crut et m'a laissé partir de ce centre. Je suis allé vers le vieux
port, dans le quartier des prostitués. Cet endroit m'attira tout particulièrement, j'ai pensé qu'il me
serait bénéfique. Pour l'atteindre je dus
raser et m'appuyer sur les murs parce que mes pauvres jambes sans forces ne parvenaient plus à me
maintenir debout. En arrivant dans le quartier des prostitués, je suis entré inconsciemment dans un
bar.
Le patron du bar, en voyant que j'étais un clochard qui s'installait à une de ses tables, il hurla des
injures et tenta de me faire sortir de son commerce. Une prostitué le stoppa nette, elle lui ordonna de
me servir une énorme entrecôte de boeuf, avec une portion de frites. Elle m'a dit : "Restes ici et
manges, mon pauvre garçon!". Sa voie était douce et
chaleureuse.
Il me fallut beaucoup de temps pour avaler ce copieux repas, parce que mon estomac avait perdu
l'habitude d'absorber autant de nourriture. La prostitué recherchait quelqu'un pour lui tenir
compagnie, car son julo était en prison. Je compris que le premier miteux qui passerait par là, il
ferait certainement son affaire.
Elle m'a dit que je devais rester avec elle quelque jours, je devais reprendre des kilos, ma vie
semblait être en danger. Quand j'eus terminé mon copieux repas, elle m'emmena dans son petit
appartement qui n'était pas très loin du bar. Quand je suis sortis du restaurant, je me suis senti
revivre, je pus marcher presque normalement.
La jeune prostitué venait de me sauver la vie dans ce bar, car le peu de nourriture que le policier m'
avait offert, cela n'avait pas suffit à me charger le corps de forces. S'il je ne l'avais pas rencontrée, je
serais probablement mort, le soir même, dans une carcasse de voiture où la nuit m'aurait plongé
dans mes rêves merveilleux et emportée loin de ce monde de cruauté et de souffrance.
Mon ange gardien s'appelait : Nicole Hardel. C'était une brave fille. C''était une pauvre fille aussi,
car son père l'avait violée, et sa mère la frappait quand elle avait trop bu. La misère, elle en
connaissait toutes ses abominables sensations, elle aussi. Nicole s'était mise à la prostitution afin de
survivre dans ce monde de médiocrité, où il n'y avait pas de place pour des gens comme elle.
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Avec Nicole j'étais en bonne compagnie, je devais penser à remettre très vite mon pauvre corps en
état de fonctionner normalement. Chez Nicole Hardel, je pus me refaire une belle santé, elle
m'emmena voir des docteurs qui me donnèrent à avaler une grosse quantité de vitamines pour que
mon corps se charge de force et de vie. Un psychiatre
m'a dit que je revenais de loin, parce que la drogue et l'alcool auraient pu me tuer ou me rendre
complètement fou. Quand ma grande cure de vitamines fut terminée, je suis redevenu un homme
normal.
Je pus me promener dans les rues de la ville, sans l'aide des murs. Très vite, je me suis sentis revivre
pleinement et la vie m'est apparue de nouveau comme étant moins cruelle. Nicole me quittait le soir,
vers les neuf heures, elle réapparaissait à quatre heures du matin. Les après-midi, nous partions pour
une grande promenade au bord de la mer, et nous allions au
cinéma pour y voir des films d'amour et d'aventures. Après le déjeuner, nous partions directement à
la prison des Baumettes pour y voir son julo. Il avait frappé un policier et menacé de mort, parce
que celui-ci voulait l'utiliser comme indicateur. Le souteneur, qui était un homme d'honneur, refusa
de dénoncer ses amis du milieu.
Le protecteur m'accepta comme remplaçant, il félicita Nicole pour son bon choix. J'étais un garçon
grand et solide, j'avais retrouvé toutes mes forces. Le julo de Nicole se sentit mieux après m'avoir
vu, parce qu'elle avait trouvé quelqu'un de bien pour la protéger dans cette jungle où elle vivait si
dangereusement. Je suis resté plus de trois mois avec Nicole. Cette femme fut merveilleuse avec
moi. Un après-midi, nous sommes allés voir un film d'espionnage où l'action se déroulait à Nice, sur
la Côte d'azur. j'ai vu quelques plans qui se déroulaient sur la promenade des Anglais.
Un homme apparut, puis une femme, ensuite deux jeunes gens vinrent se joindre à eux en leur
prenant la main. Cette scène là, me fit sursauter et mon cerveau s'emplit soudainement d'une
lumière blanche et très brillante. J'ai crié : "Tonia! Tonia!". Je venais enfin de retrouver la mémoire,
la brume épaisse qui emprisonnait mes souvenirs disparut instantanément.
En entendant ces cris, les gens dans la salle crièrent : "Dehors le cinglé! dehors!".
Nous sommes sortis de cette salle obscure où jaillit enfin la lumière de ma vie. J'avais tant de choses
à lui dire, parce qu'elle ne savait presque rien sur mon passé.
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Elle m'écouta attentivement lui raconter ce que fut mon passé perdu. Quand l'histoire de ma vie fut
terminée, elle me prit dans ses bras et elle pleura . Elle serrait dans ses bras le petit Comte de
Monchavet qu'elle avait sauvé d'une mort certaine, et son corps de prostitué au grand coeur en
explosait de joie et de bonheur en ce magnifique instant. J'avais retrouvé ma famille et mon paradis
perdu, je me souvenais même du numéro de téléphone de la villa Nina.
Je dis à Nicole d' aller à une cabine téléphonique pour appeler ces gens qui m'avaient accueilli et
aimer. Nicole me dit : " Tu es fou, pauvre malheureux, tu risques de provoquer une catastrophe dans
cette maison!". Elle avait raison, je risquais peut-être de les foudroyer sur le champ ces pauvres
gens. J'avais disparu de leur vie durant des mois, ils me croyaient mort. Je ne pouvais pas réapparaître
comme si rien ne s'était passé.
Mais qu'aurais-je pu leur dire au téléphone : "Coucou, me revoilà, c'est moi, Norbert votre enfant
disparu".
Cette brave Nicole avait raison, je devais me méfier et être très prudent, je ne pouvais pas me jeter
sur eux sans aucune préparation. Elle me conseilla d'appeler le commissariat de Menton, pour les
informer que j'étais à Marseille et en bonne santé. Je connaissais le commissaire de police, il m'a dit
qu'il allait convoquer Alexandre à son bureau.
L'affaire de ma disparition, il la connaissait parfaitement bien, parce que Alexandre lui avait
demandé de faire des recherches. Le policier était très heureux d'apprendre cette nouvelle, il
semblait être fou de joie de me savoir encore en vie. Il m'a dit que l'on avait retrouvé mon corps à la
morgue de Nice. Mais c'était seulement un jeune homme qui
me ressemblait étrangement, et qui avait séjourné dans la mer quelques semaines.
Le commissaire devait agir délicatement pour annoncer la bonne nouvelle à ma famille qui était
dans le désarrois le plus total. C'était un homme d'expérience qui avait dû affronter de nombreux
problèmes très délicats. Après deux longues journées d'attente, le commissaire de police me
téléphona pour m' annoncer qu'il avait pu rencontrer mon papa Alexandre. J'étais vivant et en bonne
santé, il allait devoir apprendre la bonne nouvelle à Tonia et à maman Toinette.
Page 83 - Le départ - le Néant. Chapitre 4
Tous les jours, mes parents et Tonia vivaient dans l'angoisse et la peur, ils s'attendaient toujours au
pire. je devais être patient et attendre qu'Alexandre décroche son téléphone pour me donner des
nouvelles de ma famille. Trois jours passèrent, Alexandre me téléphona pour m'informer que tout
était presque prêt à la villa Nina pour me recevoir. Sa tendre et douce Tonia avait traversé des
moments difficiles et avait failli mourir de chagrin.
Ma disparition avait ruiné sa santé et son équilibre mental. Le bon docteur Dimitrov la veillait, jour
et nuit. Alexandre eut beaucoup de mal à m'expliquer que Tonia était malade. Il parlait, il pleurait, il
était heureux de me retrouver en vie. Avant de rentrer à la villa, je dus encore attendre quelques
jours. Le docteur Dimitrov me téléphona pour m' annoncer que mon retour était enfin possible.
Tonia semblait être au bout de sa vie, et de me revoir cela mettrait un terme à ce long cauchemar.
Nicole était heureuse de m'avoir accueilli chez elle, elle ne cessait de me dire que j'avais de la chance
de posséder une si belle famille. Je lui dis que mon père adoptif la remercierait de m'avoir sauvé la
vie et permis de reprendre des forces pour retrouver une vie normale. Nicole n'accepterait jamais
d'argent pour ce qu'elle avait fait pour moi.
Elle désirait seulement
que je ne l'oublie jamais, elle voulait que je garde une place pour elle dans mon coeur. Comment
aurais-je pus l'oublier cette gentille Nicole? Je savais que sa bonté resterait gravée dans ma mémoire
jusqu'à la fin de mes jours.
Après que le docteur m'eût téléphoné, il me resta deux jours à vivre avec elle. Mon temps était
compté, je n' avais plus un instant à perdre pour profiter de ces quelques heures qui nous restaient à
vivre ensemble. Elles étaient très précieuses. Nicole me regarda en pensant qu'après mon départ,
elle se retrouverait seule. Mais son homme allait bientôt sortir de
prison.
Les deux derniers jours s'écoulèrent très vite, je dus me préparer, me mettre en condition pour aller
affronter ces retrouvailles. J'avais si peur que mon corps en tremblait d'émotion et de frayeur. Nicole
me rassura et me dit de ne pas m'inquiéter, car tout se passerait très bien. Le jour du départ arriva, je
mis les beaux vêtements qu'elle m' avait achetés. Elle mit des vêtements dans une grande valise en
cuir noir, et nous sommes partis à la gare Saint Charles.
Page 84 - Le départ - le Néant. Chapitre 4
Nous avons marché très lentement afin de savourer ensemble ces dernières minutes. Je pensais que
je ne reverrais peut-être jamais cette merveilleuse prostitué, cette bonne et douce Nicole qui m'avait
tant aimé et protégé. Deux années plus tard, un malade mental l'a poignarda dans le dos, elle resta
plusieurs jours à l'hôpital. Avant de mourir, elle me réclama. Son homme me téléphona et m'invita à
venir la prendre une dernière fois de mes bras, parce qu'elle ne voulait pas partir avant de m'avoir
revu. Nicole Hardel mourut sans avoir pu me revoir. Son homme se suicida quelques heures après.
Elle m'accompagna jusqu'au train, elle me serra une dernière fois dans ses bras.
Des larmes
coulèrent de ses beaux yeux marron. Je lui ai dit : " Adieux, ma bien-aimée et douce Nicole". Ce
furent les derniers mots qu'elle entendit sortir de ma bouche avant que le train ne s'éloigne pour me
ramener au sein de mon beau paradis. Le train s'éloigna très lentement de cette ville qui aurait pu
m'engloutir si je n'avais pu recevoir l'aide de cette magnifique jeune femme.
Je dis adieu à cette grande ville où je m'étais volontairement plongé dans cet enfer pour sortir du
néant. J'avais meurtri mon corps pour retrouver ma mémoire et mon paradis perdu.
De Marseille à
Menton, je réfléchis très longuement, je me suis inquiété vivement pour mon avenir. Durant ces
quelques mois, je venais de vivre de terribles moments de souffrance et de profonde solitude, cela
était pour moi à la limite du supportable. De nouveau je sortais du néant, je ne comprenais pas ce
que je faisais sur cette terre.
Ce néant m'avait englouti, je sortais du gouffre pour retrouver peut-être encore quelques instants de
bonheur. Je pensais que ma vie était ainsi faite et que dans quelque temps elle me replongerait de
nouveau en enfer. Je ne comprenais vraiment rien à cette vie, j'avais envie de hurler pour dire au
créateur qu'il cesse de torturer mon pauvre corps et mon esprit. Le train arriva en gare de Nice, il me
restait une trentaine de kilomètres avant d'arriver à Menton.
J'allais retrouver ma famille et mon bonheur perdu, mais tout cela pour combien de temps encore.
D'autres obstacles qui seraient tout aussi difficiles à affronter, se mettraient de nouveau un jour en
travers de mon chemin.
Page 85 - Le départ - le Néant. Chapitre 4
Je n'avais plus la force de lutter contre cette vie qui semblait ne pas vouloir de moi. J'ai pensé que je
devais ouvrir la portière du train, attendre qu'un autre passe pour qu'il m'écrase le corps. J'étais
devenu, malgré moi, un acteur dramatique, je voulais connaître la suite de mes aventures. J'avais
bien du mal à jouer ces rôles que mon destin choisissait à ma place.
Je n'avais pas le choix. La ville de Menton m'attendait pour de nouvelles aventures, je ne devais ni
ne pouvait être en retard. Quel rôle j'allais jouer maintenant? Quel costume j'allais devoir endosser,
celui du bonheur ou bien de la souffrance? Le train s'arrêta en gare de Menton. C'était la dernière
ville avant la frontière. En marchant sur le quai de la gare, mes membres se mirent à trembler, je
crus que mon coeur allait cesser de battre. A l'idée de revoir enfin les membres de ma famille, que
j'avais abandonné, cela me mis horriblement mal à l'aise et m'angoissa terriblement.
Je me sentis comme étant pleinement responsable de ce départ, et un sentiment de culpabilité vint
me tourmenté. Comment avais-je pu déverser sur ces gens, autant de détresse et de malheur? Ils
m'avaient offert tant de journées de bonheur et d'amour. Pourquoi j'étais incapable de m'adapter à
une nouvelle. La vie m'offrait une nouvelle chance, je devais retrouver ma famille sans cherche à
comprendre ce qui n'était arrivé.
Après avoir fait quelques mètres sur le quai de la gare, j'aperçus mon beau papa Alexandre. Il était
là, à quelques pas de moi. Mon beau papa avait mis son plus beau costume pour venir m'accueillir
et pour prendre dans ses bras son fils qu'il aimait tant. Otto le bon prêtre ouvrier, il était là, lui aussi.
Ils s'avancèrent lentement vers moi, ils me prirent dans leurs grands bras pour me serrer très fort
contre leur coeur. J'étais enfin de retour, c'était un très grand jour pour ces deux hommes, ces deux
géants humains qui m'aimaient si fort.
Ils accueillirent en pleurant le petit monstre qui les avait abandonné pendant de longs mois. Quand
nous sommes arrivé à la villa Nina, ma maman Toinette m'attendait devant la porte principale. Dès
que je suis sorti de la voiture, elle se précipita sur moi pour me prendre dans ses bras.
Ma pauvre et douce maman, son beau visage était couvert de larmes, et ses yeux rougis d'avoir tant
pleuré. Otto avait dû beaucoup prier pour que je réapparaisse dans cette maison où le bonheur l'avait
lâchement abandonné. J'étais de retour et Tonia allait être sauvée. Elle allait de nouveau revivre et
sortir du néant qui avait failli l'engloutir à jamais, elle aussi. Quand je me suis approché de la villa,
je vis ma douce Tonia en sortir très doucement.
Elle avait changé, j'avais en face de moi une jeune femme que le temps avait mûrie et vieillie
prématurément. Mon départ lui avait ôté sa belle joie de vivre et brisé en mille morceaux son pauvre
petit coeur si fragile de jeune fille pure et innocente. En m'approchant d'elle, je sentis mon corps se
glacer entièrement. J'ai reculé lentement de quelques pas, j'eus envie de m'enfuir à toute vitesse.
Qu'avais-je fait à cette belle créature, à cet ange venue d'un autre univers.
Voyant que son bien-aimé semblait de nouveau vouloir lui échapper, elle vint vers moi. Elle me dit
d'une voix douce et tremblante : "Norbert allons nous promener ensemble.
Te souviens-tu du
premier jour quand tu es arrivé à la villa?". J'étais paralysé, j'étais une statue de glace qui retrouvait
sa bien-aimée après de longs mois d'absence. Nous sommes partis nous promener avec le chien.
Tonia se mit à crier avec le peu de forces qui semblaient rester en elle. -- Fripon! Fripon !". Le chien
arriva aussitôt et sauta sur moi pour me faire la fête. Nous sommes partis sur la route sinueuse qui
conduisait à Sospel. Après cinq minutes de profond silence et de marche lente, Tonia s'arrêta, elle
me prit dans ses bras, elle me serra très fort contre sa poitrine.
Page 86 - Le départ - le Néant. Chapitre 4
J'avais retrouvé cette jeune fille aux cheveux noirs qui hantait mes nuits de cauchemars. Elle
m'embrassa tendrement et me dit en souriant : "As-tu retrouvé ton destin? Norbert, petit Comte de
Monchavet".
A cet instant, je m'aperçus que ma douce Tonia avait terriblement changé . Son visage était étiré et
creux, meurtri par le chagrin. Elle dut fournir un énorme effort pour me faire un beau sourire. J'étais
responsable de ce délabrement physique qui détruisit la santé de Tonia, c'était mon oeuvre. Ce
pauvre malade et ce drogué incurable qui revenait vers elle, il n'était plus digne ni de sa confiance ni
de son amour.
Voyant que je lui disais des choses dont elle désirait en ignorer l'existence, elle mit sa main sur ma
bouche pour me faire taire. Pour Tonia, je n'étais que le petit jeune homme fragile et perdu qu'elle
avait rencontré à l'asile de Nice. Elle me dit que sa mission sur terre, c'était de me rendre heureux le
plus longtemps possible.
Tous ces mauvais obstacles que la vie mettrait sur ma route, cela n'avait aucune espèce d'
importance pour elle. Je l'aimais tellement, je pensais que c'était un ange que le ciel m'avait envoyé
afin de supporter mon destin.
Moi aussi, j' avais vieilli et mûri prématurément, j' étais devenu un autre jeune homme, plus fort et
plus endurant à la souffrance. Après notre longue promenade, nous sommes rentrés à la villa. Le
docteur Dimitrov attendait Tonia à l'infirmerie de la maison pour lui donner quelques soins. En
entrant dans la villa, je suis entré dans le grand salon où s'étaient installés mes parents.
Je me suis assis sur le grand canapé entre Alexandre et ma maman Toinette.
Mes parent m' apprirent
que Tonia avait terriblement souffert et avait faillit mourir durant ma longue absence. Elle fit une
terrible dépression nerveuse, et s'ensuivit une crise de neurasthénie. Le bon docteur Dimitrov lui
sauva la vie, mais son cerveau avait subi quelques dommages. Tonia revint avec le docteur dans le
salon, elle s'assied à côté de moi. La famille Anatolièvna se trouva de nouveau réunie au grand
complet. Les parents nous regardèrent avec beaucoup d'attention et d'affection.
Page 87 - Le départ - le Néant. Chapitre 4
Cette maison qui avait si longtemps cessée de respirer, elle soufflait et ronronnait de nouveau. Tonia
s'approcha de moi, elle me caressa longuement mes longs cheveux blonds. -- Elle me dit : " Je suis
ta belle princesse. Toutes les nuits, je suis partie à ta recherche, j'ai navigué sur la mer où je criais
ton nom dans le lointain. A cet instant, j'ai compris que Tonia n'allait pas très bien. Je me suis
souvenu que dans mes horribles nuits de cauchemars, je la voyais marcher sur une plage.
Je lui ai répondu -- " Oui, tu es ma belle et douce princesse, la mer m'a ramené à toi et pour
toujours".
J'avais enfin retrouvé la paix et le bonheur, je lui ai caressé ses beaux cheveux noirs, je l'ai embrassé
tendrement pour me faire pardonner de cette cruelle absence. Pendant quelques minutes le docteur
me parla de toute cette détresse qu'elle avait endurée durant des mois.
Une nouvelle vie s'offrait à moi, je venais de marcher sur les chemins brûlants de l'enfer, maintenant
le soleil ardent de mon beau paradis brillait de nouveau. -- Le docteur Dimitrov me dit : "Il est bien
loin le petit jeune homme fragile et craintif que tu étais quand je t'ai reçu pour la première fois dans
ma clinique".
Cet homme avait raison, car il était loin dans le passé ce garçon faible et perdu qu'il rencontra la
première fois quand je suis entré dans ma nouvelle famille.
La vie m'avait durement éprouvé et fait de moi un homme fort, dur et résistant comme l'acier, mon
corps semblait entouré d'une carapace invulnérable. Le bon docteur jugea bénéfique pour Tonia que
ses parents la confit de nouveau au bon soin de son fiancé. Elle pouvait maintenant, et sans danger
pour sa santé, se dispenser de ses services. Il désirait retourner dans sa clinique où l'attendait ses très
riches clients. Cet homme avait sauvé la vie de Tonia, et mes parents ne surent pas comment l'en
remercier, tellement leur dette semblait immense.
Il leur dit avant de partir : "Tonia est un membre de ma famille, c'est ensemble que nous l'avons
guérie cette enfant". Son grand ami le prince Alexandre ne lui devait rien, et le docteur se sentit très
fier d'avoir soigné et sorti sa fille de ce drame. Comme ils étaient grands ces deux hommes, qui
avaient eux aussi traversé des périodes atroces et cruelles dans leur vie. Pour remercier le bon
docteur, Alexandre l'invita dans un des meilleurs restaurants de la région.
A la villa Nina, ma première nuit de sommeil fut très calme et sans aucun cauchemars, je fis un
merveilleux rêve. Dans ce rêve, Tonia et moi, nous fûmes déposés délicatement et nous pûmes
courir et nous ébattre librement dans l'herbe verte et haute des magnifiques prairies qui
appartenaient à mon père, le Comte de Monchavet. Ma belle princesse, Tonia, était vêtue d'une
magnifique robe longue et blanche, parsemée de paillettes d'or : c'était une oeuvre d'art,
confectionnée par sa douce et tendre maman Toinette.
Le petit Angelo, cet enfant difficilement arraché des bras de son père qui désirait le précipiter dans
le vide, était avec nous dans ce rêve. La porte de mon beau paradis s'était de nouveau ouverte, et la
vie le comblait de bonheur. Le lendemain matin, je me suis réveillé en pleine forme. J'ai retrouvé
tous les membres de ma famille, et la vie continua comme si je n'avais jamais quitté la villa. Le
docteur Dimitrov nous quitta après le petit déjeuner, nous l'avons accompagné à l'aéroport de Nice.
Une grande période de repos commença pour tous les membres de la famille Anatolièvna.
Alexandre avait beaucoup d'amis riches sur la Côte d'azur, et en juin de l'année 1966, on lui prêta
pour plusieurs semaines un très grand appartement de luxe, à Monaco.
Page 88 - Chapitre 5 (Papa Alexandre)
Cet appartement offrait une magnifique vue sur la mer et le port de Monaco, et ensemble nous
allions pouvoir y passer de merveilleuses vacances. Notre première journée de repos, nous l'avons
passé sur un magnifique yacht, qui appartenait à un richissime armateur américain. Je fis monter des
gitans à bord du bateau, je leur ai demandé de jouer de la guitare, en souvenir des amis gitans que
j'avais connus en Italie, lors de ma tragique aventure où je perdis la mémoire.
Ces gens du voyage nous firent passer un agréable moment. Pour les remercier le propriétaire du
bateau leur donna un gros cachet pour leur magnifique prestation d'artiste musicien. J'ai adoré
naviguer sur les yachts que nous prêtaient les amis d'Alexandre. Le soir et le matin, nous pouvions
admirer les merveilleux couchés et levés de soleil. Tonia put guérir
presque complètement grâce à ce traitement que lui avait recommandé le docteur.
Pendant cette longue période de repos, je ne pensais plus à rien, j'ai vidé ma tête de toutes ses
misères passées pour y laisser la place au bonheur présent. Je n'avais plus aucun projet en vue, je
me contentais seulement de vivre et de suivre les autres dans leur vie de bonheur intense. Je
chantais en sicilien comme me l'avait appris Lisa. Pendant plus de dix semaines, nous avons vécus
comme des princes.
Après avoir passé de merveilleuses vacances avec tous les membres de ma famille, j'ai demandé à
Alexandre qu'il me raconte entièrement l'histoire de sa vie. Jill, mon amie de l'hôpital de Nice avait
commencé à écrire un livre sur sa vie, un jour elle disparut subitement sans laisser d'adresse.
Alexandre fit paraître des avis de recherche dans trois grands journaux Américain, et cela pendant
plusieurs jours. Deux semaines après, Jill se manifestait enfin, elle téléphonait pour nous annoncer
de bonnes nouvelles. Je lui ai demandé de venir nous rejoindre à Monaco. Quelques jours après, elle
arriva avec tout son matériel d'enregistrement qui lui était nécessaire pour ses reportages qu'elle
faisait à travers le monde.
Quand tout fut enfin prêt, avec les membres de ma famille, nous nous sommes installés très
confortablement dans le salon, sur un grand canapé pour y entendre l'histoire complète de la vie du
prince Alexandre. L'enregistrement de l'histoire de sa vie allait durer plusieurs heures, parce que Jill
était une très grande professionnelle. Elle peaufinait ses reportages à merveille.
L'enregistrement commença sur le mois de mai de l'année 1897, où Boris et Natacha Anatolièvna
virent apparaître un beau bébé de six kilos. Un beau et magnifique garçon qui avait attendu une
belle journée ensoleillée pour sortir du ventre de sa mère. Les parents d'Alexandre attendaient ce
grand jour avec impatience.
Page 89 - Chapitre 5 (Papa Alexandre)
Ces gens vivaient pauvrement dans un petit village perdu dans le fin fond de la Sibérie, à quelques
centaines de kilomètres de la Mongolie. La grande misère régnait en Russie, à cette époque-là, où le
tzar Nicolas 2 régnait lui aussi, aidé par une poignée d'hommes profondément corrompus et
inhumains. La naissance d'Alexandre créa une espèce de grande agitation dans ce petit village qui
semblait vivre hors du temps dans un océan de forêts et de cultures.
Tous ces gens du bas peuple étaient très croyants, et la mère du nouveau né crut qu'elle mettait au
monde un petit être très exceptionnel. Elle pensait qu'un jour son enfant deviendrait prince dans cet
immense empire. La mise au monde de ce bébé se passa sans problème pour la mère, car elle ne
ressentit que très peu de douleurs. L'heureuse maman n'était pas chétive, elle était grande et forte.
Le père était très grand et d'une force très peu commune.
Cet homme, malgré sa grande taille, sa force et son physique impressionnant de géant, était d'une
très grande douceur et débordait de tendresse et de gentillesse envers sa petite famille et tous ses
amis qui vivaient autour de lui dans cet univers où la vie était très rude pour ceux qui ne possédaient
rien. Boris Anatolièvna était un domestique et un fermier au service du palais où régnait en maître
tyrannique le prince Antipova. C'était un grand artiste qui ignorait l'importance du don que la nature
lui avait donné. L'hiver, il travaillait dans son petit atelier d'artisan qui appartenait au maître des
lieux.
Ce prince Antipova régnait sur une petite communauté d'humains, qui était constitué de
domestiques et de fermiers démunis. Ce n'étaient que des enfants d'anciens esclaves qui ne savaient
où aller pour améliorer leur condition de vie, alors ils restaient là et subissaient la puissance d'un
exploiteur d'ouvriers. A la naissance d'Alexandre tous les membres du
village cessèrent de travailler pendant quelques instants, parce que le prêtre avait annoncé la venue
au monde d'un petit être exceptionnel.
Pour cet homme d'église, un ange devait venir sur terre pour y libérer et soulager des humains qui
souffraient et mouraient de faim. Alexandre participa à la révolution qui renversa le tzar, il tenta
aussi d'anéantir le cruel Staline, mais il n'y parvint pas. En 1909, il accomplit un acte héroïque, en
sauvant d'une mort certaine la petite princesse, Gena Antipova. Il devint dans la même année, prince
et fils héritier du palais où était employé son père.
Au coeur du printemps de l'année de 1897, naissait un futur petit prince. Le père prit cet enfant dans
ses bras, sortit de sa maison et alla le présenter aux habitants du village, qui eux aussi attendaient
cet événement avec impatience. Il alla le plonger dans la rivière qui coulait à quelques mètres de sa
maison, où l'eau y était claire et fraîche. Il devait être une
heure de l'après-midi quand il vit le jour, et à ce moment de la journée l'eau y était à bonne
température.
Page 90 - Chapitre 5 (Papa Alexandre)
Le petit Alexandre vint au monde dans cette période très difficile et tourmentée où vivaient
misérablement les gens de son rang. Malheureusement personne ne peut choisir ses parents, pas
plus se programmer une belle vie comblée de bonheur. La vie, on la prend comme elle vient, et
personne ne peut rien faire pour changer cela. Alexandre eut de la chance pour ce
qui est côté affection et amour, car ses parents l'adorèrent dès qu'il vint au monde et l'aimèrent
jusqu'à leur dernier souffle de vie. Sa famille était très pauvre, certes, mais ses parents n'étaient pas
responsables de ne rien posséder là où il vivait.
Le responsable, c'était le tzar et les parasites qui l'entouraient et affamaient le petit peuple. Pendant
douze années le futur petit prince, allait devoir vivre dans ce petit village au fin fond de la Sibérie,
là où les animaux étaient souvent mieux nourris que les humains. Le médecin, le prêtre et l'épicier,
étaient les seules personnes à ne pas trop souffrir de la faim dans ce village. Les autres membres de
cette communauté devaient parfois voler dans les cultures du maître pour ne pas mourir de faim
quand les récoltes étaient assez médiocres.
Quand un pauvre malheureux se faisait prendre par les gardes du palais, volant sur les terres, il
recevait vingt coups de fouets, on le mettait au cachot et on lui infligeait une très forte amende. Très
souvent, les voleurs étaient jetés hors du village, avec femmes et enfants. Alexandre resta très
marqué par cette terrible époque, il connut lui aussi la haine d'être né
pauvre et d'avoir à subir les humiliations d'un maître tyrannique.
Ses parents bénéficiaient quelques fois d'un traitement de faveur, mais c'était assez rare. Le maître
du palais faisait de très bonnes affaires grâce au don du père d'Alexandre, il réparait des objets d'art
de très grandes valeurs. Leur maison était assez grande, il y avait cinq grandes pièces, mais qui
étaient toutes dépourvues de confort. Il y avait une pièce pour loger
les animaux : vaches, chevaux, moutons... La structure de cette maison était de bois, et entre les
rondins on y avait mis de la terre mélangée avec de l'argile qui servait de ciment.
Sur le toit, c'était la même matière, mais en plus de la terre il y avait des plaques de pierres plates de
la région. Il y avait dans cette maison, une espèce de faux plafond qui était muni de trappes de
ventilation, cela laissait passer la chaleur des animaux durant les mois d'hiver. Pour se laver, ils
avaient la rivière qui coulait à deux pas de la maison.
Le futur petit prince vécut toute la période de son enfance dans cet environnement austère. Il put y
apprendre le beau métier de son père, et dès l'âge de huit ans il commença à travailler dans les
champs avec ses parents. Il était très en avance pour son âge, car il grandissait et forcissait très vite.
Ses parents étaient très fiers de ce beau et grand garçon qui leur donnait d'immenses satisfactions.
Jamais il ne se plaignait des injustices du maître, et avec eux il les partageait en silence.
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