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Roman Page de 31 à 50

Roman Norbert et Tonia Page de 31 à 50

 

 

Page 31 - La prison, l'asile. Chapitre 2

 

Ce rêve est souvent venu hanter mes nuits quand j'étais à Paris. François me dit que je devais avoir

un don de voyance. Une semaine après la visite de Tonia, je recevais sa maman. Sa maman

s'appelait Antoinette, elle l'appelait tendrement "maman Toinette". Une belle femme blonde, la

cinquantaine, les yeux bleus, elle entra dans le dortoir, je compris que ce devait être la maman de Tonia.

Elle regarda à droite et à gauche puis elle se dirigea vers moi. Elle me dit "Vous êtes le jeune comte

de Monchavet. Ma fille m'a beaucoup parlé de vous". Elle s'est approchée de moi, elle m'a prit dans

ses bras et embrassé tendrement.

 

Jamais ma mère ne m'avait prise dans ses bras pour m'embrasser. Cette femme ne me connaissait

pas et elle vint vers moi comme si j'avais été son fils. Cette manifestation d'affection m'a

profondément émue, je me suis mis à pleurer. La maman de Tonia m'a essuyé les yeux avec un beau

mouchoir brodé. J'eus envie de lui dire "maman, je t'aime". C'est cruel de ne pas avoir eu une

maman et un papa pour vous combler d'affection. Dans mon petit village, quand je voyais une

maman embrasser son enfant, il me venait l'envie de hurler pour apaiser ma souffrance qui était si

forte. La maman de Tonia me dit que je devais l'appeler "maman Toinette".

 

Toinette avait eu un garçon. Il est mort quelques mois après sa naissance. Il était blond, aux yeux

bleus, comme moi. Quand sa fille lui a dit que j'étais moi aussi un blond, aux yeux bleus, elle a

pensé que je devais être son fils qu'elle avait perdu. Toinette avait un beau visage, ses yeux

pétillaient de bonheur et de joie de vivre. Elle me dit que sa fille lui avait raconté l'histoire de ma

vie. Je lui ai demandé si elle n'était pas normande. Elle me dit qu'elle était née à Bolbec en

Normandie. Toinette avait elle aussi connu un peu la misère dans son enfance.

 

Ses parents la placèrent dès l'âge de quatorze ans chez de riches fermiers, comme petite servante.

Rapidement, elle vit sa situation se transformer, car elle avait un don pour la couture et la broderie.

Dans les environs où elle travaillait, on ne tarda pas à la connaître cette jeune fille douée pour ce

beau métier. Rapidement ses patrons tentèrent d'exploiter cette mignonne petite servante. Mais la

jeune fille qui n'était pas timide, ne se laissa pas faire.

 

En 1934, elle avait quinze ans, cette année-là, elle mit sa production de broderie et de couture dans

sa valise et prit le chemin de la grande ville. Rouen l'attendait, elle avait lu dans un journal de la

région que l'on recherchait une bonne couturière, sachant broder pour confectionner de beaux

vêtements d'enfants. Dès qu'elle obtint l'autorisation de ses parents, elle se présenta à l'adresse

indiquée. Madame Germaine, qui était une très grande couturière à cette époque-là, la reçut dans sa

boutique et demanda à voir ces quelques modèles qu'elle avait confectionné. Quand elle eut

terminé de les caresser et les admirer, aussitôt son long visage aux traits lourds mais gracieux,

s'illumina de satisfaction, et sa bouche s'ouvrit pour laisser s'échapper un beau compliment.

 

Page 32 - La prison, l'asile. Chapitre 2

 

-- Mademoiselle, votre ouvrage est excellent, et je ne puis que vous en féliciter. J'ai vraiment

beaucoup de chance de vous rencontrer, lui dit-elle - - . Antoinette fut engagée sur le champ. Ce jour-là,

en entendant cette femme lui dire qu'elle l'engageait immédiatement, elle eut envie de lui sauter au

coup pour l'embrasser, tellement elle était heureuse. Cette brave femme lui trouva une chambre très

coquette et bien meublée dans la ville. Cette patronne fut très généreuse et honnête avec cette

nouvelle jeune couturière qui débordait d'imagination et de talent. Elle lui apprit tout de ce qu'elle

savait afin qu'Antoinette devienne meilleure qu'elle dans ce métier.

 

A la fin de la guerre, en 1945, Antoinette aidait souvent des gens de la croix rouge, elle accueillait

les prisonniers de guerre qui revenaient de captivité. Très souvent ces gens étaient en très mauvaise

état, physiquement et mentalement. C'est dans un de ces dépôts où échouaient ces pauvres

malheureux qu'elle fit la connaissance de l'homme qui allait devenir

très vite son futur mari. Cet homme qui apparut dans sa vie pour lui offrir ce bonheur si longtemps

attendu, n'était pas un prisonnier ordinaire, c'était un déserteur de l'armée rouge qui avait fui le

régime politique de Staline.

 

Ce géant au physique d'aventurier, il avait atterri-là dans un endroit réservé à accueillir et aider des

prisonniers de guerre qui avaient perdu leur famille dans des bombardements de villes de

Normandie. Il avait quitté son pays, parce que sa vie y était devenue un véritable enfer et qu'il

risquait chaque jour d'être envoyé dans un camp en Sibérie. Ce grand et beau gaillard qui avait

l'allure d'un général, parlait couramment l'anglais et le français, il n'allait pas tarder à faire chavirer

le coeur de la belle Antoinette, la normande aux yeux bleus.

 

Alexandre semblait perdu dans cette ville qui était en partie détruite par la guerre, il ne connaissait

personne et n'avait pas l'habitude de mendier pour vivre. Le destin plaça cette belle jeune fille sur sa

route. Antoinette savait que cet homme venu d'un autre monde, il était là pour elle. Il venait la

chercher pour l'emmener et unir sa vie à la sienne. Elle fut la première à engager la conversation. En

1945, elle avait vingt six ans, elle était célibataire et n'avait pas rencontré d'homme qui lui

convienne. Antoinette était difficile et n'aimait que les hommes mystérieux.

 

Son futur mari était là, dans ce dépôt de prisonniers, où il semblait attendre un signe qui devait lui

venir du ciel. Cet homme qui avait connu de longues périodes de détresse dans son pays, il pensait

que la Normandie devait être un lieu magique et le point de départ d'une nouvelle vie. Antoinette lui

dit d'une voix douce et chaleureuse : "Monsieur l'officier Russe, le

gouvernement français m'a chargé de vous servir de guide dans cette ville. Je suis à votre

entière disposition pour vous aider à retrouver des membres de votre famille".

 

Page 33 - La prison, l'asile. Chapitre 2

 

Antoinette savait d'où venait cet homme, parce que, chaque prisonnier devait remplir une fiche de

renseignements afin que l'on puisse les aider le mieux possible dans leur recherche. Elle invita cet

homme à déjeuner dans un restaurant de la ville, dans un quartier qui n'avait pas subi la guerre. Ils

passèrent l'après-midi ensemble, à se promener et à faire connaissance. Cette belle femme lui

raconta ses plus beaux souvenirs et l'histoire de sa vie.

 

Alexandre était le deuxième homme de sa vie, elle n'attendit pas qu'il lui fasse la cour. Après le

repas, elle glissa sa main dans la sienne, la serra très fort pour qu'il comprenne qu'elle en était déjà

follement amoureuse. Antoinette n'avait pas de temps à perdre, à la fin de la journée elle l'emmena à

l'hôtel, où ils y passèrent la nuit ensemble. Elle me dit

que dans cette grande nuit d'amour, ils conçurent leur fille Tonia. Comme elle racontait bien son

passé, et ses yeux pétillaient de bonheur. Elle revivait ces grands instants qu'elle avait vécu avec

cet homme hors du commun.

 

Je pensais que cette femme exceptionnelle avait dû être très heureuse lors de cette rencontre. Elle

l'était encore quand je l'ai rencontré dans cet hôpital. Elle me donna l'impression d'être une éternelle

jeune fille. Ce fut pour moi une nouvelle visite, pleine d'affection et de tendresse. J'aurais aimer

pouvoir lui parler durant des heures, jamais je ne se serais lassé

de l'écouter. Cette femme au tempérament si délicat, emplissait mon pauvre corps de bonheur. Dans

cet hôpital, je fis la connaissance de tous les membres de cette famille, ils allaient bientôt m'

accueillir pour me plonger dans un grandiose et merveilleux paradis.

 

Ce jour-là, Antoinette m' apporta des friandises et des fruits, je les ai partagé avec ses amis,

François, et Julo, le berger Corse. Une infirmière vint nous dire que la visite était terminée. A cet

instant j'aurais tellement aimer partir avec cette femme merveilleuse. Avant de la quitter, j'eus envie

de lui crier : "Maman Toinette, emmène-moi avec toi. Je t'en supplie, ne me laisse pas seul dans

cette prison où l'on ne me veut que du mal".

 

Je venais de rencontrer une vraie maman, elle partait, elle m'abandonnait. Cette séparation me brisa

le coeur, car dans cet instant je n'avais que huit ans dans ma tête. Ma nouvelle maman s'en alla,

m'abandonna dans ce dortoir lugubre. Heureusement pour moi que mes amis étaient à mes côtés

pour me consoler, parce que mon corps aurait de nouveau explosé et fait hurler de douleur tellement

j'ai souffert de cette séparation.

 

Page 34 - La prison, l'asile. Chapitre 2

 

J'ai retrouvé mes deux amis qui s'étaient installés sur mon lit. Ils mangeaient les friandises que ma

nouvelle maman m' avait apporté. Julo, mon autre ami et voisin de lit, était un Corse de Propriano,

il gardait des montons et des chèvres dans les montagnes au sud de la Corse. En 1964, pendant les

vacances, il fit la connaissance d'une Niçoise. Mais pour cette jeune fille, ce n'était qu'une simple

amourette de l'été.

 

Mon ami Julo en tomba follement amoureux. Après les vacances il alla chez elle pour lui annoncer

son intention de l'emmener avec lui, car il désirait l'épouser. Mais entre temps, elle rencontra un

autre jeune homme, elle ne voulut pas suivre ce berger, sans le sous, pour partager sa vie. Après

cette triste affaire, le pauvre Julo tenta de mettre fin à ses jours. Il échoua dans cet asile. Durant les

semaines qui me restèrent à vivre dans cet endroit, je me suis employé à lui trouver une autre petite

amie, qui pourrait l'aimer et partager sa vie de berger avec lui. Avec l'aide de mon amie Jill, je lui fis

connaître une gentille italienne, qui avait été mariée avec un lâche de français qui la battait presque

tous les jours.

 

Ce monstre l'obligeait à boire de l'alcool jusqu'à ce qu'elle s'effondre ivre morte, ensuite il la

frappait à coups de ceinturon. Je pus réunir ces deux êtres, en espérant qu'ils formeraient un beau

couple. Julo et Clara se marièrent en 1966. Tonia et moi, nous fûmes invités à leur beau mariage.

 

Mes deux amis m'aidèrent merveilleusement bien à vivre les jours qui me séparaient de la sortie. Ils

m'aidèrent aussi à me préparer physiquement et mentalement. Alexandre voulait bien me recevoir

chez lui, mais pour cela je devais être présentable et ne pas avoir l'air d'un demeuré mental.

Très vite, j'ai trouvé la volonté de me battre pour devenir un jeune homme présentable et digne

d'aller vivre dans ma nouvelle famille où l'on avait envie de m'adopter un jour.

 

Au milieu du

printemps de l'année de 1965, enfin, l'hôpital décida de me rendre ma liberté, parce qu'une famille

désirait m'accueillir pour m'aider à repartir d'un bon pied dans la vie. Le grand jour de ma libération

arriva, et ce fut pour moi un magnifique et merveilleux moment.

 

Je pus sortir de cet endroit sordide

en plein coeur du printemps. La nature avait sorti toutes ses plus belles décorations pour le jour de

ma libération. Le soleil fut lui aussi de la fête, car il rayonna dans un ciel limpide et sans nuages,

tout comme au premier jour quand je suis arrivé à Menton, dans cette ville magique.

 

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On m'avait préparé une entrée triomphale dans ma nouvelle famille, c'était aussi mon entrée au

paradis. Cet univers doré m'ouvrait ses portes, elles étaient restées désespérément closes durant les

dix neuf premières années de sa vie. J'avais connu un peu le petit bonheur, j'allais enfin pouvoir

connaître le grand bonheur qui m'avait fui et qui semblait ne jamais vouloir entrer un jour dans ma

vie. Les membres de ma nouvelle famille étaient tous là, venus pour m'accueillir et m'arracher à

cette pénible vie qui n'en finissait pas de m'accabler de tristesse.

 

Tonia et sa maman étaient ravissantes, souriantes et rayonnantes de bonheur. Le prince Alexandre,

était souriant. Son être dégageait une santé resplendissante et une immense joie de vivre. Tonia

entra la première dans ce dortoir, elle tenait dans sa main droite une feuille de papier : c'était mon

bon de sortie que mon nouveau père avait eu beaucoup de mal à arracher à ce maudit chef

psychiatre, celui qui m' avait tant humilié lors de l'examen qu'il me fit subir à mon entrée.

Cet homme ignoble, ce médecin policier devait se sentir utile à la société. Il brisait les jeunes

drogués et les alcooliques vulnérables ; ceux qui avaient le malheur de venir vers lui en espérant

qu'on les guérirait. Vraiment, je ne pouvais que haïr profondément cet homme.

 

J'allais sortir de cet hôpital pour m'engager dans une autre vie. En entrant dans le dortoir, Tonia se

jeta sur moi, elle m' entoura le corps avec ses deux longs bras, me serra si fort qu'elle faillit

m'étouffer. Mes nouveaux parents m'embrassèrent et me serrèrent eux aussi dans leurs bras. Avant

de partir, j'ai embrassé François, mon bon et merveilleux compagnon de captivité, qui me protégea

dès mon arrivée. Il m'offrit un peu de réconfort durant ces deux longs et interminables mois.

 

Mon ami devait sortir quelques jours après moi et me rejoindre à la villa de ma nouvelle famille

pour y passer quelques jours avant de retrouver ses parents à Gap, où ils habitaient et y vivaient

dans une magnifique propriété. Après avoir dit au revoir à tous mes amis, je me suis empressé de

franchir la porte du bloc où j'avais passé beaucoup trop de temps. J'ai pris la main de Tonia et l'ai

entraîné dans une course folle à travers les allées du parc qui entouraient ces maudits bâtiments où

l'on y torturait de pauvres êtres humains. Tonia était plus qu'une soeur pour moi quand je sortis de

cet hôpital.

 

Page 36 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Après avoir atteint la grille de la sortie, Tonia et moi nous sommes arrêtés pour souffler un peu et

pour attendre nos parents, qui marchaient sans se presser. Tonia cria dans leur direction : "Allez!

Allez, les vieillards! on ne va pas passer la journée dans ce lieu lugubre. Pressons, un peu de nerf!" .

Pour nous faire plaisir, ils se mirent à courir afin de nous rejoindre plus vite. Dès que l'entrée

principale fut franchie, ils étaient essoufflés et fous de bonheur.

 

-- Mes enfants, quel est le programme pour la journée? demanda maman Toinette". Ce jour là, il

devait être dix heures du matin et le temps était superbe.

-- Allons d'abord visiter les magasins d'habits et de chaussures pour donner une apparence de jeune

Comte à notre petit Norbert de Monchavet, nous dit d'une voix chantante, le prince Alexandre.

C'était vrai, je n'avais vraiment plus rien de convenable à me mettre. J'étais si mal habillé que mon

visage en était rouge de honte.

 

Je n'allais pas vivre chez des clochards, mais chez des gens qui ne

manquaient de rien. Tonia appela un taxi, et nous partîmes via le centre ville et les grands magasins.

Rapidement, je me suis retrouvé habillé comme un petit prince. Mes nouveaux parents m'

achetèrent un beau pantalon à la mode de l'époque et une belle chemise bleue, puis une paire de

chaussures noires. Quand je fus vêtu de neuf, Tonia me regarda avec admiration, et ses grands yeux

noirs en brillèrent de satisfaction.

 

-- Comme tu es beau ainsi vêtu, petit comte de Monchavet, me dit-elle, d'une voix douce de jeune

fille amoureuse. En me regardant dans une glace, je découvris une autre personne, un jeune homme

élégant et digne de cette princesse qui m'accueillait dans sa famille et dans sa vie.

Le tour des magasins étant terminés, il nous restait une bonne heure avant de passer à table pour

fêter cet heureux événement. La promenade des Anglais fut l'endroit idéal pour se dégourdir les

jambes et mettre en appétit toute cette petite famille. Quel magnifique endroit c'était, en plein coeur

du printemps.

 

Nous nous engageâmes dans cette longue allée bordée de palmiers, nous marchâmes très lentement

tous les quatre, main dans la main. J'étais le petit dernier fraîchement arrivé dans cette merveilleuse

famille.

 

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En marchant main dans la main avec ma maman Toinette et mon papa Alexandre, je sentis que mon

corps avait quitté la planète terre, je planais et sautillais de bonheur. Ma belle et douce Tonia

fredonnait en russe, une mélodie apprise par son père. Sa maman Toinette chantait une berceuse en

normand cauchois. On chantait autour de moi pour annoncer la naissance du petit comte de

Monchavet, né du grand amour du maître du château des Trois fontaines et de sa petite femme de

chambre, Ferdinande, Charlotte, Baronne de Tilly.

 

Je m'imaginais que cette allée était magique, elle me rappelais l'allée aux mille parfums, en face du

casino de Menton, où j' avais rêvé à une vie meilleure. Après avoir parcouru toute la promenade des

Anglais à pied, Alexandre interpella un taxi et donna l'ordre au chauffeur de nous conduire sur la

route de Menton. Il connaissait un ami qui possédait un restaurant panoramique. Nous restâmes

deux heures dans cet établissement touristique de luxe.

 

J'ai apprécié la vue magnifique qu'offrait cet endroit. L'océan, la mer méditerranée semblait

s'étendre à l'infini. A la fin du repas, j'eus l'impression de voler sur cette mer, je volais au dessus de

tous ces beaux bateaux de milliardaires qui glissaient sur ce magnifique tapis bleu. Comme j'avais

un peu trop bu pour arroser ma sortie de l'hôpital, je me pris pour un oiseau des mers. J' étais le plus

bel oiseau des océans, et Tonia volait à mes côtés. Nous déployons nos grandes ailes et nous

pénétrions ensemble dans les courants bénéfiques afin de nous hisser au plus haut des cieux. Je

regardais derrière nous et je voyais mon papa Alexandre et ma maman Toinette.

 

Maman Toinette, nous surveillait d'un oeil attentif. Tonia me sortit brusquement de mon rêve, elle

m'invita à sortir sur la terrasse où soufflait un petit vent frais et agréable. Nous quittâmes cet endroit

merveilleux pour reprendre la route afin de rentrer à la villa où habitait ma nouvelle famille.

Quand nous arrivâmes à Menton, j'ai demandé au chauffeur du taxi d' arrêter un instant devant le

casino. En descendant du taxi, je pris la main de Tonia. Nous sommes allés marcher dans l'allée en

face le casino. Quand je suis arrivé à Menton, je me suis assis dans cette allée, je me suis endormi

sur un banc, j'ai rêvé et vu ma princesse qui ressemblait à Tonia. Un vent souffla de la mer, j'ai

pensé qu'il était magique, il m'engageait à pénétrer dans l'arrière pays où habitait ma nouvelle

famille.

 

Nous remontâmes dans le taxi pour nous rendre à la villa où une nouvelle vie m'attendait. Cette

demeure paradisiaque était proche du bord de mer. Après avoir parcouru plusieurs kilomètres sur la

route sinueuse qui menait à Sospel, le taxi

tourna à droite, il s'enfonça dans un long et étroit chemin bordé d'arbres et de plantes grasses de la

région.

 

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Une grande maison originale m'apparut à la sortie d'un long virage. Vue du ciel, on distinguait une

grande croix rose étendue sur le sol. Cette maison était couverte de longues tuiles roses ondulées

qui dégageait un étrange parfum ; elle semblait chargée d'un lourd passé et d'un étrange mystère. Ce

que je vis, ce n'était pas la demeure de monsieur tout le monde, c'était simplement le paradis d'un

homme hors du commun. Cette construction originale ressemblait à un monastère transformé et

rénové. Les murs y avaient été blanchis comme les villas italiennes. Autour de cette maison, il y

avait des parterres de fleurs multicolores et une multitude de terrasses, de surfaces différentes.

 

Nous étions enfin arrivés. -- Quelle journée! mes amis, s'exclama Tonia". Dès que le taxi eut

franchit l'entrée de la villa, un comité d'accueil vint à notre rencontre. Un chien aboya à l'intérieur

de la maison, brusquement une porte s'ouvrit sur l'aile gauche. Un monstre couvert de poils en sortit

comme une flèche. Le monstre était un gros berger allemand, il se

précipita sur Tonia qui semblait être sa maîtresse préférée, il lui lécha tendrement le visage.

L'animal n'ayant pas vue sa maîtresse depuis la veille, il crut qu'on l'avait abandonné.

Quand il fut repu d'affection et de caresses, Tonia me présenta le monstre apprivoisé. Le chien se

jeta aussitôt sur moi pour me faire la fête.

 

-- Regarde bien, mon gros chien, lui dit Tonia. Tu as devant toi mon frère et mon futur fiancé. Il

vivra ici, avec nous. Je veux que tu lui obéisses et le protèges. Comme tu le fais pour moi - - . Le

chien écouta attentivement l'ordre que venait de lui donner sa maîtresse, il aboya pour lui exprimer

sa soumission et son approbation. Il s'appelait Fripon. Il était très content de faire ma connaissance.

Sans réfléchir, je lui dis : "Bonjour, Friponnais". Brusquement, il recula et me montra ses énormes

crocs pour me faire comprendre que ce n'était pas son nom. Je dus m'excuser et lui répéter trois fois,

Fripon, pour que le chien en colère redevienne mon ami. Je ne devais pas changer son nom, car je

risquais de me faire mordre.

 

Ce chien était très

susceptible. Le gardien à quatre pattes venait de m'accepter sur son territoire. Les présentations des

membres du personnel pouvaient commencer. Je vis sortir de la maison un homme qui tenait dans

sa main droite une petite croix de bois.

L'homme remuait les lèvres et semblait prier. Cette prière était adressée au nouveau membre qui

entrait dans la famille Anatolièvna. L'homme était grand et impressionnant à regarder. Il s'appelait,

Otto Muster : c'était un ancien prêtre ouvrier.

Alexandre l'avait engagé pour diriger en Italie une association d'aide aux enfants abandonnés. Otto

avait été avant et pendant la guerre, un prêtre ouvrier, en Allemagne, on l'avait enfermé dans un

camp, car il critiquait ouvertement le régime politique d'Hitler.

Il s'approcha de moi et s'arrêta de prier. -- Sois le bienvenu dans cette demeure, ce petit paradis, cet

havre

de paix et de réconfort, me dit-il. J'ai pensé qu'avec cet homme spécial, on devenir les meilleurs

amis du monde.

 

Page 39 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Après le prêtre, on me présenta à une charmante femme. C'était une Sicilienne, elle s'appelait

Rosetta. Cette femme connaissait très bien son métier. Tonia l'appréciait et aimait sa bonne cuisine.

Pour travailler et vivre chez les Anatolièvna, il fallait être très brillant, car il y venait tous les jours

du beau monde. On y invitait des hommes politiques et des gens de la maffia. Dans cette maison,

c'était un perpétuel va et viens de gens de milieux assez spéciaux.

Tous ces gens importants de la maffia, eux, ne mangeaient pas n'importe quoi. Rosetta la bonne

cuisinière était toujours à la hauteur et donnait entière satisfaction à ces bons messieurs et à leurs

petites familles. Elle me prit dans ses bras, me serra très fort et m'embrassa, comme si j'avais été son

propre enfant.

 

Le maître de la maison y faisait entrer son futur fils adoptif, alors toutes les

personnes qui y vivaient devaient m'aimer sans aucune arrière pensée. Rosetta ne faisait pas

semblant de m'aimer. Je pus lire sur son beau visage et ses magnifiques yeux noirs de Sicilienne,

qu'elle m'adorait déjà sans me connaître.

Elle n'accueillait pas un jeune paumé qui sortait de l'asile, mais peut-être le futur héritier d'un

château. Tonia lui avait annoncé la bonne nouvelle. Rosetta avait une fille de vingt ans, c'était une

belle créature sauvage et sournoise, elle servait les invités à table et leur chantait de jolies mélodies

siciliennes, que sa mère lui apprenait en faisant la cuisine.

 

On me présenta, la femme de chambre et son mari, le jardinier du domaine. Un couple de jeunes de

Strasbourg, des anciens alcooliques, qu'Alexandre avait sortis de leur enfer. En tout, cinq personnes

s'activaient pour faire vivre la grande maison. Tout le monde vivait sous le même toit sans se gêner

les uns les autres. La maison était si bien construite et organisée, que l'on pouvait croire que c'était

un petit hôtel. Dès que l'on franchissait la porte de l'entrée principale, aussitôt on découvrait une

grande salle : cette pièce spacieuse servait à accueillir les invités. On entrait dans la villa par l'aile

de droite. Alexandre avait dessiné le plan de cette demeure particulière.

 

Au centre de la villa, on découvrait un long et large couloir qui formait l'allée centrale, où de chaque

côté se dressaient une multitude de portes qui débouchaient sur des pièces ayant des fonctions

diverses. A l'extrémité de ce long couloir, s'étendaient deux ailes, qui ressemblaient à deux longs

bras, l'un tendu vers le nord et l'autre vers le sud. Le personnel était logé au nord. Les propriétaires

occupaient l'aile orientée plein sud, où ils pouvaient jouir d'une magnifique vue sur la mer. Dès que

les présentations furent terminées, Tonia m'invita à aller découvrir ma chambre, qui était à côté de la

sienne.

 

En entrant dans cette pièce, je fus très surpris et émerveillé : c'était un grand studio décoré avec goût

et merveilleusement bien aménagé, ayant tout le confort nécessaire et moderne pour bien y vivre.

En entrant dans ma chambre, je sentis aussitôt que je faisais réellement partie de cette famille qui

m'accueillait sans me connaître. Moi, Norbert de Monchavet, je venais enfin de pénétrer dans le

royaume des gens heureux. Ce monde là, allait-il lui m'offrir la paix et la sérénité?

 

Page 40 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Quand j'eus terminé la visite des lieux, Tonia m'invita à faire le tour de la maison pour faire

connaissance avec les terrasses où on y passait beaucoup de temps pour les loisirs et pour s'y

détendre après de longues journées de travail. Tout le monde travaillait à la villa. Les terrasses

étaient aménagées de manières différentes : certaines avaient des parterres de fleurs, d'autres il y

poussait de la vigne sauvage. Il y en avait trois qui servaient de terrain de boules, où on allait y

passer beaucoup de temps avec ma douce Tonia, et tous les invités de marque venant des milieux de

la haute société.

 

Après en avoir terminé avec cette visite guidée des lieux, j'ai demandé à Tonia qu'elle appelle son

gros chien. Nous sommes partis faire une longue promenade ensemble, où des choses importantes

devaient se dire. Nous partîmes tous les trois sur cette route sinueuse qui menait à Sospel. Le chien

Fripon adorait s'y promener, car sa maîtresse le faisait courir pour entretenir son énorme

musculature.

 

Nous nous arrêtâmes tous les trois cent mètres pour souffler un peu. Tonia me prit la main. Elle me

dit :

-- Maintenant, je désire que tu deviennes mon fiancé. Elle m'aimait. La naissance de cet amour se fit

dès notre première rencontre, dans cet hôpital de Nice.

 

Dans cette promenade, je lui ai fait comprendre qu'une longue période de réflexion m' était

nécessaire avant de m'engager dans une aventure amoureuse durable. Je ne savais pas si j' étais

capable de m'adapter à cette nouvelle vie que l'on m' offrait si généreusement. J'avais été un voyou

et un voleur, un drogué et un agitateur, tantôt anarchiste et tantôt royaliste. J'allais devoir apprendre

à vivre autrement, je devais me trouver un travail pour ne pas vivre aux crochets de ces gens qui

m'accueillaient chez eux sans trop me connaître.

 

Tonia m'écouta, elle m'arrêta brusquement de parler, elle mit sa main sur ma bouche et m'ordonna

de me taire. Je dus l'écouter attentivement. Energiquement, elle m'expliqua que mon passé était

derrière moi, mon avenir était devant.

 

Page 41 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Pour Tonia Anatolièvna, j'étais un noble et le fils du comte de Monchavet. J'étais l'unique amour de

sa vie, elle désirait ardemment vivre jusqu'à la fin de ses jours avec moi. Aucun autre homme ne

pourrait jamais l'intéresser autant que moi. Pour vivre cet amour intense qui s'offrait à moi, je devais

m'adapter très vite à ma nouvelle vie. J'ai compris que si je ne parvenais à trouver le bonheur dans

ma nouvelle famille, je devrais m'en retourner d'où je venais.

 

Je ne pouvais pas décevoir Tonia. Si je

l'abandonnais je risquais de briser sa vie. Après cette longue et merveilleuse conversation, Tonia me

prit dans ses bras, me serra très fort pour me réconforter et m'aider à affronter ma nouvelle vie.

Nous rentrâmes à la villa où nos parents nous attendaient en compagnie de trois invités qui s'étaient

installés dans la grande salle à manger. Ces gens devaient être des amis de longue date, parce qu'ils

semblaient très à l'aise dans cette maison. Avant de faire leur connaissance, Tonia et moi nous

allâmes dans notre chambre pour y faire un brin de toilette, afin de nous rendre présentable.

 

Parmi

ces gens, il y avait un homme de taille moyenne. L'invité était de nationalité italienne, qui paraissait

avoir soixante ans, environ. Sa femme était très élégante et jolie, avait une vingtaine d'années de

moins que lui. Ils avaient un fils du même âge que moi.

 

Alexandre me présenta aux invités en leur disant que j'étais le fils du comte de Monchavet. Les

invités de marque me regardèrent d'un air admiratif. Ils semblèrent un peu gênés de rencontrer un

membre de la noblesse et un nouvel ami de la maison. Je n'étais pas habitué à rencontrer des gens

de la haute société. Ce jour là je ne voulus pas décevoir les membres de ma nouvelle famille. Je me

souvins de ces deux derniers mois passés en compagnie de mon père, et de ses conseils qu'il me

donna pour faire de moi un vrai noble.

 

Je sus très vite me mettre dans la peau d'un membre de la noblesse, et sans complexes j'ai su me

servir des mots que mon père utilisait quand il recevait des gens de son rang. L'invité me dit que très

souvent il rendait visite à son grand ami Alexandre, afin d'obtenir des aides financières importantes

pour faire fonctionner son parti politique et ses nombreuses affaires. Toutes les personnes qui

venaient à la villa, c'était en grande partie par intérêt.

 

L'amitié avait aussi une part très importante.

Le prince Alexandre leur confiait de l'argent, et ces gens lui rendaient de très grands services en

faisant aussi tourner ses nombreuses affaires. J'ai compris très vite que c'était un investissement qui

s'avérait être très rentable pour le prêteur et ses associés. Ils étaient très nombreux et venaient des

quatre coins de l'Europe et d'ailleurs.

 

Page 42 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Durant toute la soirée les invités parlèrent très souvent en italien, ignorant que je ne comprenais pas

très bien cette langue. Ma maman Toinette et la femme, parlèrent de toilettes et de mode. Tonia et

moi, nous étions très occupés à nous échanger des sourires et à nous pincer les bras et les jambes en

glissant discrètement nos mains sous la table. Nous chahutions comme deux enfants joueurs et

malicieux.

 

Le jeune invité nous regardait en regrettant de ne pouvoir être à côté de Tonia pour partager ce jeu

d'amoureux. Ce premier repas partagé avec les amis de mes nouveaux parents fut très réussi. Je me

suis trouvé admirablement bien dans la peau d'un jeune comte, en sachant pertinemment que je n'en

n'avais pas encore le titre et la fortune.

 

J'ai pensé que je devais probablement avoir le physique de l'emploi. De comte, je n'avais connu

jusqu'à ce jour que mon vrai père, qui était un homme très beau, très élégant et raffiné. Je plaisais à

presque toutes les personnes que je rencontrais. Je n'avais pas conscience de cette séduction

naturelle que je possédais. Cette soirée fut très réussie, je n'eus besoin de faire aucun effort pour

m'adapter à ma nouvelle vie. Les invités restèrent jusqu'à une heure du matin.

Tonia et moi nous nous sommes endormis dans le petit salon en écoutant de la musique classique.

Alexandre expliqua aux invités que le jeune comte de Monchavet venait de passer deux mois dans

un hôpital.

 

Ils comprirent et ne me firent pas réveiller pour me saluer avant de partir. Ce fut ma première

journée de liberté et mes premiers pas dans cette villa. Avant d'aller me coucher dans cette chambre

pour la première fois, j'ai embrassé mes nouveaux parents et Tonia. Je les ai remercié de m' avoir

offert autant de bonheur dans cette journée. Au petit matin, après avoir pris une bonne douche

chaude, je me sentis frais et disponible pour recommencer une nouvelle journée.

 

Je suis allé à la cuisine. Avant de m'installer pour prendre un peu de nourriture, j'ai pris d'abord ma

ration d'affection. Les membres de ma nouvelle famille me posèrent une multitude de questions et

voulurent savoir si je me sentais bien dans cette grande maison, et si je ne manquais de rien.

J'ai dis que je n'avais jamais vécu dans une famille aussi accueillante que la leur. J'étais très heureux

d'être avec eux. Alexandre satisfait se leva de sa chaise. Il dit : "Allez, les enfants! préparez-vous,

nous partons pour Genève! Je vous recommande de ne pas oublier vos papiers".

 

Page 43 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Otto l'ancien prête fut chargé d'appeler un grand taxi pour que tous les membres de la famille

puissent se rendre à l'aéroport de Nice, où un avion devait nous emmener en Suisse. Ce voyage

allait être le premier avec les membres de ma nouvelle famille, et de nombreux autres suivraient

durant la longue période où j'allais vivre dans ce magnifique endroit. Je ne connaissais pas la

Suisse, je n'avais jamais voyagé en avion. Le voyage fut assez rapide.

 

- Tonia me dit : Quand tu verras un grand lac et un immense jet d'eau, alors nous serons arrivés à

Genève. Alexandre m' avait caché son intention de m'emmener dans ce beau pays : c'était une

surprise. En arrivant à l'aéroport, il s'empressa de me fournir des explications. Il m'expliqua le but

de ce voyage exprès.

 

Tous les membres de la famille Anatolièvna s'installèrent autour d'une table dans une grande

brasserie. Alexandre m' expliqua la raison de ce voyage en Suisse. Je devais rencontrer un très

grand psychiatre. C'était un très grand ami de mon nouveau père. Son ami dirigeait une maison de

santé pour milliardaires, où des gens de la haute société y venaient pour faire des cures de repos.

Alexandre me demanda si j' étais d'accord pour rencontrer cet homme qui désirait m'examiner très

attentivement. La veille, durant cette longue promenade entreprise avec Tonia, elle s'inquiéta de

mon comportement, elle en parla à son père. Il prit une décision rapide, il téléphona aussitôt à son

ami pour lui demander de me recevoir. Je ne pouvais pas refuser cet entretien avec ce docteur.

Pour ne pas contrarier les membres de ma famille, je me suis laissé ausculter par le grand ami de

mon nouveaux père.

 

Alexandre loua un minibus pour se rendre chez son ami le docteur Dimitrov. Nous sortîmes de la

ville, côté sud-est. Le minibus roula durant quelques minutes avant d'arriver dans cette maison de

repos. C'était une clinique psychiatrique privée. Cet endroit n'avait rien de comparable avec l'asile

de Nice, qui était crasseuse et lugubre. Nous entrâmes dans un petit parc, nous vîmes des malades

qui se promenaient tous accompagnés d'une jolie infirmière.

 

Page 44 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Le minibus s'arrêta juste en face de la porte d'entrée de la clinique. Une charmante hôtesse nous

attendait pour nous conduire au bureau du patron de cet établissement.

-- Bonjour et bienvenue dans cette clinique. Suivez-moi, le docteur vous attend dans son bureau,

nous dit gracieusement l'hôtesse d'accueil. Le prince Alexandre et son épouse étaient très connus

dans cette clinique. Ils y venaient tous les ans, afin de se reposer de cette vie si agitée qu'ils

menaient tous les deux tout au long de l'année.

 

Nous entrâmes tous dans le grand bureau du docteur. Je fus très surpris en voyant cet homme pour

la première fois. Physiquement il ressemblait un peu à mon nouveau père. Le docteur prit Alexandre

dans ses bras, ils s'embrassèrent à la russe, en se serrant très fort l'un contre l'autre. Ces deux grands

hommes se connaissaient depuis 1916. A cette époque-là, ils avaient une vingtaine d'années et

fréquentaient les grandes écoles de Moscou. Le docteur faisait des études de médecine, et Alexandre

étudiait le droit et les sciences politiques. Après cette chaleureuse embrassade, il salua très

affectueusement tous les autres membres de la famille.

 

En arrivant près de moi, le docteur s'exclama :

-- Eh bien, le voilà notre jeune homme de la noblesse, nous allons bien prendre soin de lui dans

cette clinique!. En entendant ces quelques mots, je devins blême et je pris la main de Tonia, la serra

très fort en lui disant : "Il n'est pas question que je reste enfermé ici dans cette clinique!".

Le bon docteur me rassura immédiatement en me disant que rien ne me retiendrait très longtemps

ici. On allait seulement me faire subir un examen très approfondi pour faire connaissance avec ma

personne, parce que cela s'avérait nécessaire. Je ressemblais à un petit enfant, qu'on allait arracher à

ses parents, je tremblais déjà à l'idée d'en être séparé si brutalement.

 

Je dus raconter au docteur mon douloureux passé. Il m'écouta très attentivement. Une infirmière me

brancha des électrodes sur le cerveau, elle utilisa toutes sortes d'instruments qui semblaient

indispensables pour ce genre d'examen.

Une heure après, le docteur me regarda d'un air presque satisfait. Il dit aux membres de ma nouvelle

famille que tout était à peu près normal. Je devrais dans l'avenir être suivi très régulièrement. Pour

le docteur, ce manque d'affection et mon enfance passée dans cet environnement familiale, où j'ai du

vivre avec des parents qui ne s'aimaient pas et se déchiraient violemment. Le docteur leur expliqua

que cette vie affligeante m'avait profondément marqué et traumatisé.

 

Page 45 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Une enfance sans amour ni affection, cela engendrait inévitablement des blessures invisibles et

profondes dans le corps d'un enfant. J'avais l'air d' être un jeune homme très équilibré. Comment

aurais-je pu oublier ce passé qui ne cessait de me harceler et de me torturer l'esprit. Le docteur était

parfaitement conscient que son patient allait probablement dans un proche avenir perturber le

bonheur de cette famille qui l'accueillait si généreusement et désirait l'adopter. Mais il pouvait se

tromper, parce que le cerveau d'un être humain, c'est quelque chose d'impénétrable.

 

Il ne voulut rien dire à son ami Alexandre, afin de ne pas gâcher le bonheur des membres de sa

famille, car il les sentait très heureux de vivre avec moi. La visite était terminée, j'étais impatient de

quitter cet endroit, car l'odeur des hôpitaux m' était devenue insupportable et me mettait mal à l'aise.

Je remerciais ce bon docteur de m'avoir si gentiment examiné et ausculté avec tant de bonté et

d'humanité.

 

Après avoir chaleureusement salué et remercié ce grand homme, nous quittâmes cet endroit pour

aller à Lausanne. Alexandre y possédait une multitude de cabinets d'affaires. Quand nous arrivâmes

dans le centre de la ville de Lausanne, Alexandre gara le minibus dans le garage du premier

immeuble qu'il allait me faire visiter.

Hans Fridman, le directeur d'une agence de police privée nous attendait lui aussi avec impatience.

Alexandre fit sa connaissance à la fin de la guerre. Cet homme l'aida à organiser sa protection. Hans

Fridman était un juif allemand, né dans un riche milieu d'industriel du textile. La guerre vint briser

et anéantir entièrement tous les membres de sa famille.

 

Mais lui,

il put s'enfuir pour échapper aux camps de concentration, il vint s'installer en Suisse, où il se plaça

sous la protection d'anciens amis de son père, qui appartenaient à la grande maffia américaine et

italienne.

Ces gens l'aidèrent et lui procurèrent de l'argent pour aider ses frères persécutés pas les nazis. Mais

la maffia n'étant pas une institution de bienfaisance, alors il dut rembourser tous ces gens. Pour

rembourser sa dette, il se mit à leur service et les aida à développer une multitude d'affaires en

Europe. Alexandre et Hans Fridman, purent se rencontrer à Paris, dans un

établissement que dirigeait un certain Sacha Vlanov. Très vite, ils sympathisèrent, étant de la même

race, de la race des seigneurs et des hommes que rien ne pouvait arrêter, ni ébranler, car ils étaient

forts dans leurs corps et dans leurs têtes.

 

C'est à partir de cette rencontre qu'Alexandre commença à s'organiser et à recruter des hommes :

pour ne pas être assassiné, il dut construire autour de lui une immense forteresse humaine, afin que

Staline ne puisse jamais l'atteindre, lui et sa famille. J'étais à peine sorti de l'hôpital, et déjà je me

trouvais noyé dans un univers étrange, un monde qui m' était

totalement inconnu, et où j'allais devoir m'y intégrer très rapidement. Cette nouvelle vie allait me

plaire, elle m' apprendrait tout ce qui existait dans ce monde.

 

 

Page 46 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

Ces gens avaient un rythme de vie si différent du mien, mais cela me plaisait et renforçait ma

curiosité et mon envie de vivre dans ce milieu mystérieux que je découvrais. Dans cette belle ville

de Suisse, on visita une multitude d'agences, qui étaient toutes différentes les unes des autres. Elles

appartenaient toutes à mon nouveau père et à cette grande famille de la maffia. Ils avaient même

une banque, où Tonia m'apprit qu'on y blanchissait de l'argent sale. Sur le moment, je ne compris

pas ce que cela voulait dire, mais par la suite j'ai voulu savoir ce que cela signifiait, de l'argent sale.

 

La visite de cette ville me fatigua énormément, je n'étais plus habitué à supporter toute cette

agitation, tous ces mouvements de gens et de voitures bruyantes et polluantes. J'ai demandé que l'on

parte vers un endroit un peu plus calme, afin de m'y reposer de cette mauvaise fatigue. Tonia

demanda à son parrain, Hans Fridman, qu'il nous invite dans sa villa qui était à quelques kilomètres

de Lausanne, sur le bord du lac Léman.

 

Nous quittâmes cette ville et nous montâmes sur un bateau pour nous rendre chez cet homme qui

dirigeait les affaires de mon nouveau père. Je fus séduit par cet homme. C'était un homme très riche,

mais cette richesse était une récompense méritée. Il avait aidé et sauvé tant de pauvres juifs pendant

la guerre. Plusieurs fois il risqua sa vie pour sauver celle des autres.

Je n'étais jamais monté en bateau sur un grand lac, ce petit voyage fut pour moi une nouvelle

découverte qui me combla de joie et de bonheur. Tonia était ravie de me voir découvrir les beautés

de la Suisse. Le bateau filait lentement sur cette immense nappe d'eau, calme et reposante. Ce jour là,

je découvris les villages au bord du lac et les merveilleux

paysages.

 

Je découvris et apprécia le moindre petit mouvement des choses, du naturel et de l'artificiel. Toutes

ces découvertes, c'étaient des trésors de la nature, que la vie m' avait caché jusqu'à ce jour, parce

que mes yeux ne devaient pas être dignes de les voir.

Cette beauté là, je pensais que pour l'apprécier et la savourer pleinement, il fallait être né dans un

milieu de nantis. Le bateau s'arrêta à Nyon. La famille Anatolièvna se rendit à la villa de Hans

Fridman. La femme de Hans était une Sud Américaine, elle avait tenté d'assassiner un membre du

gouvernement de son pays en 1959, parce que son père avait été fusillé pour rébellion. La fille du

révolté voulut venger son père, mais elle faillit très vite y perdre sa vie. Par chance, Hans, l'homme

d'affaire passait par là, ainsi il put la sortir de son infecte prison où elle attendait que l'on vienne la

chercher pour lui faire payer ce crime qu'elle avait commis.

 

Page 47 - Une nouvelle famille - Chapitre 3 -

 

Le chef de la police étant un être très corrompu et aimant l'argent, il accepta de remettre cette jeune

femme à son ami Hans. Hans Fridman était un homme au grand coeur, il n'hésitait pas à sauver des

vies humaines quand il le pouvait. Sa belle épouse s'appelait, Anita Cordobès. Dès que je suis arrivé

à la villa, immédiatement elle me prit dans ses bras elle me réserva un accueil très chaleureux. La

veille, Tonia lui avait téléphoné et raconté mon passé. Cette femme avait eu elle aussi une enfance

misérable, et la faim fut très souvent son principal et redoutable ennemi. La femme de Hans nous

prépara un somptueux repas qu'elle fit avec de la nourriture de son pays.

 

Quand je suis entré dans la grande salle à manger, je fus émerveillé de découvrir tant de luxe et de

richesse. Chez mes nouveaux parents tout était beau, mais le luxe n'y était pas si aveuglant. C'était

un luxe très discret et presque invisible. Cette soirée avait été organisée en mon honneur. J'étais un

nouveau membre de la famille d'Alexandre, on fêtait mon entrée de cette grande famille.

Nous fetâmes joyeusement cet événement. Après le repas nous avons chanté et dansé jusqu'à deux

heures du matin. Le lendemain matin, nous quittâmes la villa de Hans Fridman, pour aller à Zurich,

où d'autres amis nous attendaient et désiraient faire ma connaissance.

 

Quand je suis arrivé à Zurich, on me présenta à madame Ciferman, la directrice d'un grand atelier

de couture. Ma nouvelle maman était une très grande artiste, elle dessinait des modèles de

vêtements pour femmes et pour enfants. Tout ce qui était fabriqué dans cet atelier, partait pour les

Amériques, pour y être vendu à de riches bourgeoises. Nous sommes restés plus de deux heures à

visiter ce magnifique atelier de confection. Alexandre avait l'intention de me faire connaître tous les

membres de sa famille qui vivaient en Suisse. il dut appeler un médecin de toute urgence, parce que

je me suis évanouis et j'ai sombré quelques minutes dans un semi coma.

 

Je venais de sortir de l'hôpital, et déjà on m'entraînait, de ville en ville, où on mangeait et buvait

plus que de raison, alors qu'une longue période de repos m' avait été prescrite par un docteur. Le

médecin constata que ce n'était pas grave. il me prescrivit trois semaines de repos forcé. Nous

sommes rentrés à Menton pour que je puisse me reposer. Pendant trois semaines, personne ne vint

nous rendre visite, à la villa Nina. Nina : c'était le petit nom de la maman de mon nouveau père.

Alexandre aimait sa chère et tendre mère, ainsi que son père.

 

Les deux amours de sa vie n'étaient plus de ce monde, mais il les sentait toujours présent près de lui.

Parfois il leur parlait et leur disait des mots tendres. Alexandre vit le jour en 1897, dans le fin fond

de la Sibérie, pas très loin de la Mongolie. Ses parents descendaient des mongoles, ils avaient

conservé la physionomie de leurs lointaines origines.

 

Page 48 - Une nouvelle famille Chapitre 3 -

 

A cette époque-là, ils étaient au service d'un prince, le prince Antipova. Cet homme issu de la haute

noblesse était conseiller politique du Tzar Nicolas 2. La famille Anatolièvna vivait très

misérablement dans une grande maison, faite de bois et de terre séchée. Le père soignait les

animaux et cultivait la terre les mois d'été.

 

L'hiver, il s'occupait à l'atelier où il y réparait des objets d'art et des meubles anciens, ainsi que des

tableaux, des toiles de maîtres et des poteries anciennes. Le père d'Alexandre avait un don pour la

restauration d'objets d'art, il le transmit à son fils unique. Alexandre exerçait un peu ce beau métier,

sur la Côte d'azur et en Italie, où il avait de nombreux et très riches clients. Au début du siècle, dans

la période où il n'était encore qu'un enfant, un jour il sauva la fille du prince Antipova, qui se noyait

dans le lac, près du palais où vivaient ses maîtres. Ce sauvetage fit de lui un héros, et il devint le fils

héritier du prince Antipova.

 

Alexandre profita de ces quelques journées de repos me raconter une toute petite partie de l'histoire

de sa vie. Ensemble, nous sommes aller faire quelques ballades en bateau, où l'air marin me fit

énormément de bien. Après trois semaines d'un bon et sain repos, je pus reprendre une vie normale

et me refondre dans le rythme de la vie des membres de ma

nouvelle famille.

 

Après avoir accumulé une énorme quantité d'énergie, je sentis le besoin de me dépenser

physiquement pour redonner un peu de vitalité à tous mes muscles qui avaient un peu souffert

depuis quelque temps. Alexandre et Otto faisaient presque tous les jours plus de dix kilomètres de

course à pied à travers le maquis de l'arrière pays, dans des endroits très

montagneux et abrupts.

 

Quand ils revenaient, je constatais que physiquement ils semblaient très épuisés de cette longue

virée. Qu'avaient-ils fait comme exercices physiques pour rentrer dans un tel état? Je pensais que

moi aussi je pouvais m'engager dans leur expédition sportive matinale. Pour cela j'allais devoir

m'acheter tout l'équipement sportif qui était indispensable pour me lancer dans ce genre de raide.

Ma première grande sortie fut très laborieuse, parce que mes muscles n'avaient pas été préparés

pour ce genre d'exercice physique. On m' avais vivement déconseillé d'aller courir sur les sentiers

couverts de pierres et de racines, sans s'être soigneusement préparer les muscles des jambes. Têtu et

obstiné, je n'écoutais personne.

 

Comment un jeune homme grand et vigoureux comme moi, aurait-il pu être distancé après trois

kilomètres de course? Mes compagnons avaient plus de soixante ans, et c'était là un très sérieux

handicap. Cette expédition sportive de course de fond en terrains très accidentés me valut trois jours

de repos forcés, car il me fut impossible de mettre un pied au sol. On dû

faire venir un médecin et un masseur pour me décontracter les muscles meurtris par tant d'efforts.

Une semaine après, je récidivais et dévorais plus de dix kilomètres dans la montagne.

 

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Mais cette expédition là, n'eut pas le même effet que la précédente, parce que le lendemain matin, je

pus me lever et marcher sans trop de problèmes. Cette orgie d'efforts physiques devait prouver à mon

nouveau père que ma santé et mon moral étaient excellents. Ma dette envers cet homme

exceptionnel qui m'avait arraché à mon triste milieu, elle était énorme. Que pouvais-je faire pour me

montrer digne de sa confiance et de sa générosité?

 

J'avais envie de lui dire : "Regarde, mon beau papa, regarde bien le drogué que tu as sorti de l'enfer

psychiatrique, maintenant il veut vivre en homme responsable et non plus comme un lâche qui a

peur de la vie". Pour remercier tous les membres de ma nouvelle famille, je devais me battre

ardemment et construire une forteresse pour y installer mon bonheur afin que personne ne vienne

tenter de m' arracher à cet univers de bonheur. Durant plusieurs jours, je me suis entraîné avec mes

deux joyeux compagnons. Tonia nous suivit, elle aussi, mais en ayant prit soin de ne pas faire la

même erreur que moi.

 

Sa grande résistance physique m'étonna, elle semblait souvent moins fatiguée que moi, tout en

faisant les mêmes efforts. Le matin, je courais dans la montagne, et l'après-midi, je passais plus de

deux heures dans la salle de culture physique de la maison. Après m'être bien préparé physiquement

et mentalement, je pus me rendre utile dans la société. J'ai demandé à Otto, le bon prêtre, de me

prendre avec lui dans son association d'aide aux enfants malheureux et abandonnés.

Presque tous les jours de la semaine, il partait après le déjeuné et ne rentrait pas avant dix heures

du soir. Rendu et épuisé, il s'asseyait dans la cuisine afin que Rosetta lui serve le repas qu'elle avait

préparé spécialement pour lui. Son visage buriné et au teint hâlé exprimait la joie de vivre. Il sortait

de son cartable de cuir des billets de banque et des chèques, puis les comptait plusieurs fois pour

savourer la réussite de sa journée.

 

Otto allait saluer de nombreux et très riches bourgeois, français et italiens. Il choisissait ses relations

en fonction de leurs âges et fortunes. Les impotents qui ne pouvaient plus aller à la messe, il priait

avec eux et écoutait leurs histoires de riches qui ne savaient que faire de leur richesse.

Ces gens n'avaient plus de santé, mais ils avaient de l'argent qui était le bienvenu pour aider les

pauvres. Je pensais qu' Otto devait me faire connaître son univers de pauvreté, où il y soulageait et

sauvait des enfants que l'on torturait, frappait et leur rendait la vie impossible.

 

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Cette tâche que lui avait confiée Alexandre, faisait de lui un homme heureux. Il n'était plus

officiellement prêtre ouvrier, mais il faisait comme s'il n'avait jamais quitté l'église. Son église, à

lui, c'était son association d'aide aux enfants malheureux. Il y en avait tellement à cette époque, en

France et en Italie. Je désirais me lancer dans cette aventure, je voulais aider de toutes mes forces,

mon ami le prêtre, parce que la pauvreté n'avait aucun secret pour moi. Cette dame misère, elle

m'avait tant aimé et serré dans ses bras d'acier, à m'en briser les os. J'avais un compte à régler avec

elle.

 

Il y avait des enfants qui étaient arrachés à des familles où le père buvait plus que de raison.

Malheureusement et trop souvent, le pauvre Otto arrivait trop tard. L'enfant était mort de faim et

d'avoir été maltraité. Je connaissais très bien cet univers impitoyable des enfants maltraités. Au

début des années soixante, je fis la connaissance d'un jeune blouson noir qui avait un père qui

buvait et maltraitait ses enfants. Un jour, j'ai surpris le père de mon ami frappant avec une ceinture

en cuir un enfant de trois ans. L'enfant protégea son beau petit visage, il se mit à genoux, et sans

pleurer il attendit que son père cesse de le frapper.

 

Quand je vis cette scène de violence, j'eus envie de prendre l'enfant et de l'emmener avec moi afin

qu'il échappe à la brutalité de ce père alcoolique. Je n'acceptais pas cette lâcheté et cette violence

ignoble, j'ai décidé de protéger les enfants. Quand j'apprenais qu'un enfant était battu par son père, j'

intervenais avec les membres de ma bande, et je menaçais le bourreau de représailles. Pour aider les

enfants battus, Otto avait à sa disposition une trentaine de bénévoles. C'étaient des retraités

disponibles et très compétents.

 

On ne pouvait pas confier ce genre de travail à n'importe qui, car il fallait connaître le milieu où

vivait ces pauvres petits êtres battus et privés d'affection. La police était souvent débordée de

plaintes, mais elle acceptait toujours un bon coup de main venant de membres d'associations

humanitaires. Les bénévoles étaient des anciennes assistantes sociales, des

psychologues et des pédiatres ayant travaillés dans des hôpitaux aux services des enfants. Il y avait

même des juges pour enfants dans cette association. Tous les bénévoles entretenaient de bonnes

relations, car ils aimaient les missions qu'Otto leur confiait.

 

Je fus engagé comme assistant dans l'association. Un matin avec Otto, nous montâmes dans la deux

chevaux et partîmes en Italie, en passant par le col de tende. Ce jour-là, nous sommes allés dans un

village, à quelques kilomètres de Cuneo, pour y retirer un enfant à son père, parce que des voisins

l'avaient dénoncé à la police. L'enfant était enfermé dans un petit bâtiment en bois, là où vivaient les

cochons. Le pauvre petit, il hurlait, parce que son père le privait de nourriture et le frappait.

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